medecin avec une patiente

Prise en charge des infections cutanées : Antibiotiques ou traitements topiques ?

L’essentiel en un coup d’œil :

  • Types d’infections cutanées : Bactériennes (impétigo, érysipèle), fongiques (dermatophytoses), virales (zona), nécessitant des traitements adaptés.
  • Antibiotiques ou topiques ? : Les topiques suffisent pour les infections localisées (impétigo), tandis que les infections graves (érysipèle) nécessitent une antibiothérapie systémique.
  • Diagnostic précis : Examens microbiologiques, imagerie (IRM) et tests rapides aident à choisir le traitement.
  • Précautions pour réduire la résistance : Privilégier des antibiotiques à spectre étroit, limiter leur durée et utiliser des alternatives si possible.
  • Innovations prometteuses : Peptides antimicrobiens, phagothérapie et technologies connectées pour un meilleur diagnostic.

Le saviez-vous ?

Dermohypodermites bactériennes, escarres, ulcères, abcès cutanés, furoncles ou impétigo : aujourd’hui, plus de 6% de vos consultations de médecine générale concernent des infections cutanées.

 Certaines d’entre elles sont d’origine bactérienne, et nécessitent la mise en place d’une antibiothérapie, tandis que pour d’autres, le recours à l’antibiotique est souvent inutile.

 Et, quand on pense au problème de résistance des bactéries aux antibiotiques, et des 700 000 décès annuels que cette dernière cause à travers le monde, on comprend à quel point son usage doit être encadré, et limité au strict nécessaire.

 Pour faire face à ce problème de santé publique, et réduire les coûts, les risques liés à une prescription inutile, et les complications, votre diagnostic et le choix du traitement sont essentiels.

 C’est la raison pour laquelle, la HAS a élaboré, en concertation avec la SFD et la SPILF, un guide de bonnes pratiques, réactualisé en 2019, pour vous aiguiller dans la prise en charge des infections cutanées.

 Alors quelles sont les recommandations actuelles et comment recourir aux antibiotiques de manière raisonnée ?

C’est ce que nous verrons ci-après.

Comprendre les infections cutanées :

Définition et classification :

Définition :

Les infections cutanées touchent les trois couches de la peau et les tissus sous-cutanés. Les deux bactéries les plus fréquemment en cause dans l’infection sont : les Streptococcus pyogenes et les Staphylococcus aureus.

À noter qu’en cas de dermohypodermites bactériennes, il est nécessaire de rechercher et de traiter la porte d’entrée.


Classification :

La classification la plus courante est celle qui consiste à répertorier les différentes infections cutanées selon leur cause :

  • Les infections bactériennes : impétigo, folliculite, érysipèle, cellulite.
  • Les infections fongiques : dermatophytoses, candidoses.
  • Les infections virales : verrues, zona.

 

 Une autre technique consiste à les classer selon le lieu où siège l’infection : 

Lieu :

Infections :

 

Stratégies :

Épiderme :

Impétigo contagiosa

Impétigo bulleux

Ecthyma

 

Traitement antibiotique local possible.

 

Traitement des facteurs favorisants.

 

Mesure d’hygiène locale.

 

Follicule :

Folliculite

Furoncle

Anthrax

 

 

Attention aux risques de complications : staphylococcie maligne, abcès ou complications systémiques, en cas de folliculite profonde.

 

Traitement antibiotique systémique ou local possible.

 

Traitement des facteurs favorisants.

 

Mesure d’hygiène locale.

Derme :

Érysipèle

Abcès

Phlegmon

Fasciite nécrosante

 

Attention aux risques de complications : staphylococcie maligne, complications systémiques.

 

Traitement antibiotique systémique obligatoire.

 

Traitements des facteurs favorisants.

Mesure d’hygiène locale.

 

 

 Signes cliniques courants :

Les signes les plus courants sont :

  • Rougeur, douleur, chaleur locale, œdème, pustules.
  • Signes de gravité : fièvre, nécrose, extension rapide.

 

Examens complémentaires :

En plus de votre interrogatoire et de l’inspection visuelle des lésions, différents examens peuvent vous orienter, et vous aider à poser votre diagnostic avec précision.

Il s’agit des examens :

  • De microbiologie : prélèvements bactériologiques et mycologiques.
  • D’imagerie : échographie ou IRM, en cas d’extension suspectée.
  • Les Tests rapides : identification des streptocoques ou staphylocoques.

Traitements : antibiotiques vs topiques

Comparaison des deux approches :

 

Antibiotiques systémiques

 

Traitements topiques

Indications :

Infections graves :

Cellulites

Érysipèles avec fièvre

Infections localisées :

Impétigo

Folliculite

Classes utilisées :

Pénicillines (amoxicilline)

Céphalosporines

Macrolides

Mupirocine

Chlorhexidine

Clotrimazole

Durée optimale :

7 à 10 jours selon l’infection traitée.

 

Avantages :

Efficaces sur les infections graves.

 

Prévention des complications.

Utilisation ciblée.

 

Moins d’effets secondaires.

Limites :

Résistances bactériennes.

 

Effets secondaires systémiques.

Peu efficaces sur les infections profondes.

 

Si l’infection cutanée est mineure et localisée, une pommade antibiotique suffit à traiter le problème. Et, si l’infection se propage et s’étend, des antibiotiques oraux ou injectables seront prescrits en complément.

À noter qu’en cas d’abcès ou de nécrose des tissus, une mise à plat est nécessaire : incision et drainage de l’abcès, exérèse chirurgicale des tissus nécrotiques, puis soins locaux et antibiothérapie systémique.

 

Critères de choix :

Les principaux critères de choix dépendent :

  • Du type d’infection (locale ou systémique).
  • Du terrain patient (diabète, immunodépression).
  • Du contexte microbiologique local (résistance).

 

Tableau récapitulatif de l’antibiothérapie générale des infections cutanées bactériennes courantes d’après les recommandations de la HAS :

Pathologies :

Antibiotique de 1ère intention :

 

Durée du traitement :

DHBNN* adultes :

 

Amoxicilline.

 

Pristinamycine ou Clindamycine si allergie à la pénicilline.

 

 

7 jours sans prolongation.

DHBNN enfants :

 

Amoxicilline – acide clavulanique.

 

Clindamycine

Sulfaméthoxazole- triméthoprime en cas d’allergie à la pénicilline.

7 jours

DHBNN > morsure :

 

Amoxicilline – acide clavulanique.

 

Consultation pour avis spécialisé avec un praticien hospitalier en cas d’allergie à la pénicilline.

7 jours

DHBNN adulte :

 

Suspicion érysipéloïde (rouget du porc)

Amoxicilline.

 

Consultation pour avis spécialisé hospitalier en cas d’allergie à la pénicilline.

 

 

7 jours

DHBNN adulte :

 

Antibioprophylaxie

Benzathine- benzyl- pénicilline G (retard).

 

Pénicilline V (phénoxy- méthylpénicilline).

 

Azithromycine en cas d’allergie à la pénicilline.

 

En fonction des facteurs de risque, de leur évolution et des risques de récidives.

 

En général : toutes les 2 à 4 semaines.

Furoncle compliqué :

 

Infection profonde et nécrosante du follicule pilo-sébacé.

 

Exemple de forme compliquée : anthrax (conglomérat de furoncles).

Clindamycine

Pristinamycine

 

5 jours

 

7 jours en cas de furonculose (répétition de furoncles sur plusieurs mois ou années) : traitement de la poussée et décolonisation des gites.

Abcès cutanés :

 

Collection purulente située dans le derme et/ou l’hypoderme, pouvant s’étendre au muscle et à l’os.

 

Prélèvement Bactério pré-antibiothérapie.

 

Traitement chirurgical : incision/drainage.

 

Clindamycine per os/IV

Pristinamycine per os

 

Oxacilline ou Cloxacilline IV sauf si allergie.

 

Céfazoline IV sauf si allergie.

 

5 jours.

 

Impétigo :

 

Formes graves de l’adulte

Pristinamycine per os

Céfalexine per os

 

Si allergie à la pénicilline : Pristinamycine seul.

 

À réévaluer en fonction des résultats du prélèvement bactériologique.

 

7 jours.

Impétigo :

 

Formes graves chez l’enfant

Amoxicilline – acide clavulanique

 

Céfadroxyl

 

Josamycine si allergie à la pénicilline.

 

À réévaluer en fonction des résultats du prélèvement bactériologique.

 

7 jours.

 * DHBNN : DermoHypodermite Bactérienne Non Nécrosante

Prise en charge pratique :

Approche décisionnelle :

 Les diagrammes algorithmiques :

Ils sont destinés à vous guider dans vos choix thérapeutiques.

 Exemple de diagramme : Impétigo

diagramme impétigo

Cas spécifiques nécessitant une approche combinée :

 Infection post-morsure de chien, chez une patiente avec un diabète de type 1 déséquilibré :

                     J1 post-morsure

Prise en charge :

  • Parage cutané et sous-cutané des lésions inflammatoires et infectées, et mise à plat de la collection profonde, à J2 de la morsure.
  • ATB : Augmentin-Acide clavulanique 3 fois par jour, pendant 10 jours.
  • Prélèvement bactériologique : Pasteurella Canis.
  • Rappel vaccin antitétanique.
  • Soins locaux avec Chlorhexidine, TLJ pendant 7 jours, puis tous les 2 jours jusqu’à cicatrisation.
  • CS de contrôle SOS mains à J7
  • Retrait des fils à J15.

morsure j2

                                             J2 post-opératoire

 

Délais damélioration attendues : 

  • Impétigo : 48-72 heures avec topiques adaptés.
  • Érysipèle : réduction des symptômes en 5 à 7 jours sous antibiothérapie, guérison en une dizaine de jours après la desquamation superficielle (ATB). Non traité, la régression est possible en 2 à 3 semaines, mais avec des risques de complications

Accessibilité des traitements :

Bien choisir et bien prescrire un antibiotique est primordial pour traiter une infection cutanée, mais aussi pour limiter la résistance et les coûts inutiles.

Qui plus est, certains antibiotiques connaissent des ruptures de stock : amoxicilline + acide clavulanique, clindamycine, pyostacine…

Il faut donc être particulièrement vigilant sur la disponibilité du traitement avant de le prescrire.

 

Conseils de prescription :

La prescription médicale de soins repose sur :

  • La précision de votre diagnostic.
  • Les caractéristiques de votre patient : âge, poids, fonctions hépatique et rénale, fragilité (diabète, déficit immunitaire), grossesse et allaitement.
  • Le choix dun antibiotique au spectre le plus étroit possible.
  • Une durée de traitement la plus courte possible pour éviter la sélection de souches résistantes.

Il est recommandé de :

  • Privilégier la voie orale
  • Respecter les posologies et les durées de traitement
  • Évaluer l’efficacité du traitement 48 à 72 heures après le début du traitement
  • Éduquer le patient : respect de la prescription, hygiène…

 

À noter que vous pouvez recourir aux tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) si besoin, et débuter un traitement probabiliste en fonction de la bactérie suspectée.

Prévention :

Pour traiter correctement l’infection, et éviter les complications, le rappel des consignes et des gestes à adopter est important. La prévention repose sur :

  • L’hygiène des plaies, la désinfection des coupures…
  • Le respect des gestes barrières : éviter le partage d’objets personnels (serviettes, rasoirs) …
  • La sensibilisation des patients aux facteurs de risque : macération, exposition…

Réduction des résistances :

Il est aussi crucial de prescrire les antibiotiques à bon escient, et de manière raisonnée, pour limiter les risques d’antibiorésistance.

Promouvoir l’usage des traitements topiques et des antiseptiques, en première intention, est donc essentiel.

À noter que la surexposition aux antibiotiques participe directement à la progression des résistances aux bactéries, et peut donc réduire considérablement l’arsenal thérapeutique, et conduire à l’impasse thérapeutique.

Pour lutter contre la résistance bactérienne, la stratégie actuelle consiste à diminuer la durée du traitement antibiotique au minimum nécessaire.

Éducation thérapeutique des patients :

Enfin, l’éducation de vos patients est primordiale.

Vous devez leur apprendre à reconnaître les signes d’alerte, qui doivent mener à une consultation en urgence : fièvre persistante, une rougeur étendue…

Et, insister sur la nécessité de respecter la prescription : traitements, durée, contrôle et suivi médical, mais aussi les gestes à adopter, notamment en matière d’hygiène (mains, linges de toilette…).

Cas pratiques et algorithmes :

Cas pratiques concrets :

  • En cas de cellulite avec fièvre, l’association amoxicilline et acide clavulanique est recommandée en traitement systémique.

 

  • Face à une dermatophytose : la Clotrimazole ou la terbinafine topiques seront prescrites sur une durée allant de 2 à 4 semaines.

 

Photos cliniques types :

 Furoncle :

Furoncle infecté, chez une patiente immodéprimée, traité par Pyostacine pendant 5 jours + soins locaux.

furoncle infecte

 

Escarres surinfectées sacrum + ischion :

escarres surinfectees

Plaie d’escarre chronique infectée par des BMR, avec douleur en périphérie de la plaie, ostéite, écoulement purulent, et absence de fièvre.

Protocole :

Nettoyage au savon doux + pansement occlusif.c

Perspectives et innovations :

Nouvelles thérapeutiques :

Peptides antimicrobiens et biothérapies locales :

Les peptides antimicrobiens (PAM) sont produits par la peau. Ils régulent la flore microbienne locale, et éliminent les agents pathogènes, dont les bactéries. Ils sont importants pour l’immunité.

Une récente étude a mis en avant le rôle de la température et du pH sur l’évolution, la structure et l’efficacité des PAM.

 

Avancées sur les nouvelles classes dantibiotiques :

  • La clovibactine :

La piste la plus intéressante actuellement concerne la clovibactine, qui bloquerait la synthèse des précurseurs des protéines (« bouclier » des bactéries), et qui ne semble pas induire de résistance.

  • La phagothérapie :

Connue avant l’arrivée des antibiotiques, cette technique a pour principe d’administrer des phages, c’est-à-dire des virus qui infectent et tuent certaines bactéries.

  • Les anticorps monoclonaux :

Ils réduiraient l’effet des toxines générées par les bactéries ou leur virulence.

Ils pourraient être utilisés en association ou comme alternative aux antibiotiques.

 

Technologies daide au diagnostic :

Les outils issus des nouvelles technologies, comme les dermatoscopes connectés ou l’intelligence artificielle peuvent vous aiguiller dans votre diagnostic.

 

Recommandations actualisées :

Les trois principaux antibiotiques responsables d’antibiorésistances sont :

  • L’association amoxicilline-acide clavulanique
  • Les céphalosporines de 3e génération, et notamment la ceftriaxone, qui favorisent les entérobactéries (productrices de bêta-lactamases).
  • Les fluoroquinolones.

 

Les lignes directrices pour gérer les résistances, la durée des traitements, et ainsi préserver lefficacité de certains antibiotiques, sont donc de :

  • Ne pas recourir à l’association amoxicilline-acide clavulanique en 1ère intention mais opter pour l’amoxicilline seule.
  • Limiter la prescription de céphalosporines à ses strictes indications.
  • Ne recourir à la fluoroquinolone qu’en dernière intention.

Pour conclure...

Comme nous venons de le voir, prendre en charge les infections cutanées n’est pas chose facile, principalement à cause de l’antibiorésistance qui sévit à travers le monde.

Tout repose donc sur votre évaluation, le choix raisonné que vous devrez faire entre traitements antibiotiques et topiques, et sur l’éducation de vos patients.

Et, parce que votre rôle dans l’optimisation des soins est crucial, rester informés et actualiser vos connaissances sur les recommandations et les innovations, est impératif.

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Sources : 

HAS

Vidal

Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF)

Société Française de Dermatologie

Inserm