Accès limité aux dermatologues : Comment les généralistes peuvent combler l’écart ?

L’essentiel en un coup d’œil :

  • Pénurie alarmante de dermatologues : Le nombre de dermatologues a diminué de 20 % entre 2007 et 2023, avec des délais d’attente pouvant dépasser 9 mois dans certaines régions.
  • Rôle crucial des généralistes : Les médecins généralistes prennent en charge 80 % des pathologies dermatologiques courantes grâce à leur formation initiale.
  • Causes multiples de la pénurie : Répartition inégale des dermatologues, départs en retraite non compensés, et augmentation de la demande liée au vieillissement de la population.
  • Solutions émergentes : La télémédecine, le renforcement des formations et l’optimisation des pratiques des professionnels de santé.
  • Mobilisation nécessaire : Une prise de conscience collective est indispensable pour prévenir une crise majeure de santé publique.

Le saviez-vous ?

Alors que les pathologies dermatologiques se multiplient, et qu’elles touchent jusqu’à 16 millions des plus de 15 ans, consulter un dermatologue relève de l’exploit, notamment dans les déserts médicaux, tant et si bien qu’aujourd’hui, plus de la moitié des Français déclare renoncer à consulter ce spécialiste.

En effet, les délais de consultation s’allongent d’année en année, et d’une moyenne de 41 jours d’attente en 2007, on est passé à 95 jours, dans le meilleur des cas, et jusqu’à 9 mois voire une année et plus, selon la ville où l’on réside.

Si la situation est déjà préoccupante, elle risque encore de s’aggraver d’ici à une dizaine d’années, si des solutions ne sont pas rapidement mises en place.

Pour éviter que cette pénurie ne devienne un problème de santé publique, aujourd’hui, recourir aux médecins généralistes, compétents pour prendre en charge 80% des pathologies dermatologiques courantes, semble l’option de choix.

Mais, pour combien de temps ?

Car, encore faut-il qu’ils puissent dégager ce temps nécessaire, alors que leurs propres délais de consultation s’allongent, eux aussi.

Alors, pourquoi en est-on arrivé là, et comment peut-on y remédier collectivement pour limiter les risques sur notre santé ?

C’est ce que nous verrons ci-dessous.

Les causes de la pénurie de dermatologues :

La pénurie de dermatologues est principalement due à :

  • Une baisse de 20% de leur nombre : de 3 542 dermatologues en 2007, ils étaient 2 798 au 1er janvier 2023.
  • Un remplacement insuffisant des départs en retraite des dermatologues (125 départs contre 95 arrivants en moyenne, chaque année).

 

  1. Raisons structurelles :

Elle est également due à une répartition inégale de leur nombre sur le territoire, les dermatologues exerçant essentiellement dans les grandes villes, où les équipements de pointe leur permettent de prendre en charge correctement leurs patients, et majoritairement au sein de cabinets spécialisés où les moyens sont plus importants.

Toutes les régions, et toutes les villes, ne sont donc pas logées à la même enseigne, et, les disparités, sont parfois très importantes.

Nombre de dermatologues par région en 2023 :

Régions :

Nombre de dermatologues :

Ile de France

922

PACA

372

Auvergne-Rhône-Alpes :

367

Occitanie

311

Nouvelle Aquitaine

309

Grand-Est

242

Hauts-de-France

211

Bretagne

150

Pays de la Loire

147

Normandie

130

Bourgogne-Franche-Comté

122

Centre-Val de Loire

101

Corse

16

  1. Augmentation de la demande :

Si le nombre de dermatologues diminue, d’autres causes pèsent aussi sur cette pénurie, comme :

  • Le vieillissement de la population, et les maladies qui en découlent, comme les cancers cutanés.
  • Les différentes sources de pollutions internes et externes.
  • Les modes de vie actuels (mauvaise hygiène de vie : malbouffe, stress, sédentarité, manque de sommeil …).
  • Les évolutions thérapeutiques : autrefois, certaines maladies n’étaient pas traitées, faute de solutions : psoriasis, dermatite atopique …
  • L’abandon de plus en plus fréquent des dermatologues de leur cœur de métier au profit de la dermatologie esthétique et correctrice.

Les délais d'attente :

Au niveau national, le délai moyen se situe autour de 95 jours.

Ils sont raccourcis dans certains départements particulièrement bien dotés en dermatologues, comme le Rhône, le Nord, les Bouches-du-Rhône et Paris qui affichent plus de 100 dermatologues pour 100 000 habitants.

Ainsi, à Paris, le délai d’attente moyen est de 60 jours environ.

Ce délai s’allonge à 90 jours dans les départements du Val-D’Oise, des Hauts-de-Seine, de la Seine Saint-Denis, du Val-de-Marne, de la Seine-et-Marne et de l’Essonne.

À Marseille, il se situe autour de 95 jours, tandis qu’à Lyon, il atteint 128 jours.

 

Points critiques : 

Mais, le constat le plus alarmant concerne les départements comme l’Ariège, la Meuse, la Creuse, le Cher, l’Indre, la Haute-Corse, la Haute-Loire et les Hautes-Alpes, qui comptent environ 5 dermatologues, ou à peine plus, pour 100 000 habitants, et où les délais d’attente sont compris entre 9 mois et un an, quand la consultation est encore possible !

Vous l’aurez compris, moins il y a de dermatologues par région, plus le délai d’attente est long.

Cette répartition inégale du nombre de dermatologues met en danger la santé des patients, qui accusent un retard de diagnostic et de prise en charge.

Dans les zones reculées, l’accès aux soins dermatologiques est de plus en plus limité, ce qui peut devenir un véritable problème de santé publique, si des solutions concrètes ne sont pas rapidement trouvées.

D’autant plus que la situation devrait encore s’aggraver d’ici à 10 ans, puisque 30 % à 35% des dermatologues ont plus de 60 ans, et que leurs départs en retraite imminents ne devraient pas être totalement compensés.

Les conséquences de la pénurie pour les patients :

  1. Impact sur laccès aux soins :

Comme énoncé plus haut, ce sont dans les zones rurales ou de désertification médicale, où le déséquilibre est encore plus marqué, et où les délais d’attente sont excessivement prolongés, que l’on craint pour la vie des malades, clairement exposée, notamment en cas de pathologie critique comme le mélanome, qui doit être détecté précocement pour améliorer les chances de survie.

 

  1. Impacts émotionnels et physiques :

Qui plus est, l’impact émotionnel et physique peut encore alourdir le poids que pèsent ces délais d’attente, sur les pathologies déjà aggravées par les retards de prise en charge, le stress ou la frustration des patients confrontés à cette carence en soins.

Le rôle croissant des médecins généralistes :

  1. Première ligne de diagnostic :

En tant que médecin généraliste, vous pouvez intervenir en première ligne dans la détection précoce des affections cutanées.

Votre évaluation initiale peut faire la différence, et permettre de différencier les pathologies bénignes des pathologies plus graves, nécessitant le recours à un avis spécialisé.

 

  1. Prise en charge locale :

D’autant plus que votre formation initiale en médecine générale vous permet de diagnostiquer et de traiter les maladies de peau courantes comme l’acné, l’eczéma ou encore les infections fongiques, sans recours ou orientation systématique vers un spécialiste.

 

  1. Éducation des patients :

Une autre ressource peut alléger vos propres difficultés à répondre à cette demande grandissante de soins dermatologiques : l’éducation de vos patients.

En les sensibilisant à l’importance de l’autosurveillance, des gestes préventifs à adopter et des conduites à tenir en cas de suspicion de récidives ou d’aggravation des symptômes, vous maîtrisez l’évolution des pathologies, et votre agenda.

Pour les affections chroniques qui nécessitent un suivi régulier, n’hésitez pas à impliquer votre patient, notamment dans la gestion de ses rendez-vous de contrôle, et encouragez-le à les honorer : votre temps est aussi précieux que la santé de vos patients !

Pathologies dermatologiques courantes gérées par les généralistes :

Parmi les affections cutanées les plus fréquemment rencontrées en médecine de ville, et que vous pouvez prendre en charge sans recourir à votre confrère spécialiste, on retrouve les affections courantes et les infections localisées, mais votre rôle ne s’arrête pas là, puisque vous contribuez aussi à l’identification des pathologies à risque.

 

  1. Les affections courantes :

Les maladies de peau les plus fréquemment rencontrées sont l’acné, l’eczéma, le psoriasis, les infections fongiques et les verrues.

  1. Les infections localisées :

En ce qui concerne les infections localisées, vous prendrez majoritairement en charge l’impétigo, l’érysipèle et le zona. 

  1. Identification des pathologies à risque :

Bien sûr, vous pouvez aussi être amenés à diagnostiquer des pathologies plus graves, à surveiller les grains de beauté suspects ou à participer au dépistage des cancers de la peau.

Outils et compétences nécessaires pour les généralistes :

Bien que votre cursus initial comporte des modules en dermatologie, vous pouvez hésiter et ne pas être à l’aise avec le diagnostic ou la prise en charge des maladies de peau.

Sachez que différentes options vous permettent de compléter ou de réactualiser vos connaissances, d’améliorer vos pratiques, et de sécuriser vos prises en charge.

 

  1. Formation continue :

Les programmes de formations continues, obligatoires tout au long de votre carrière, sont l’un des outils mis à votre disposition pour vous spécialiser.

Plusieurs actions de DPC dédiées à la dermatologie sont d’ores et déjà disponibles.

 

  1. Utilisation doutils diagnostiques :

Différents outils vous permettent d’analyser et d’identifier le type de lésion que présente votre patient.

Le plus connu d’entre eux est incontestablement le dermatoscope qui vous permet, entre autres, d’évaluer les lésions pigmentées, et de vous aiguiller sur le diagnostic.

 

  1. Approche multidisciplinaire :

Face à des cas plus complexes ou urgents, une orientation vers un spécialiste ou un service hospitalier adapté s’impose.

Vous leur référez alors conformément aux recommandations, et initiez une collaboration avec vos confrères dermatologues.

Solutions pour combler l’écart :

  1. Télémédecine :

Aujourd’hui, une autre solution privilégiée pour pallier aux difficultés est la consultation à distance, qui permet d’obtenir rapidement un avis spécialisé.

Certaines téléconsultations sont réalisées directement au chevet des malades soit par des équipes mobiles spécialisées, soit par l’auxiliaire médicale qui intervient quotidiennement au domicile du patient.

Par ailleurs, des plateformes en ligne permettent aux patients de téléconsulter leur médecin traitant, leur dermatologue ou tout autre médecin du territoire, pour des motifs dermatologiques.

Grâce à cette consultation à distance, le médecin observe directement les lésions sur son téléphone ou sa tablette, et le patient peut lui envoyer des photos, ce qui facilite les diagnostics préliminaires et évite les déplacements inutiles.

Ces solutions de télémédecine sont essentielles.

En revanche, il faut continuer à les structurer, notamment en ouvrant la liste des motifs de consultations, de manière à cibler des problèmes dermatologiques spécifiques pour lesquels des créneaux seraient dédiés.

Et, bien sûr, il est impératif d’inciter les dermatologues à s’ouvrir davantage à cette offre de soins, surtout dans les zones où leur accès est limité.

 

  1. Renforcement de la formation des médecins et des pharmaciens :

Renforcer la formation initiale des médecins généralistes et des pharmaciens leur permettrait de mieux orienter les patients, et de définir les profils à adresser directement au dermatologue, et ceux qu’ils peuvent directement gérer en cabinet ou en officine.

 

  1. Optimisation des pratiques :

Si de recourir aux médecins généralistes est l’une des solutions les plus évidentes pour absorber un certain volume de demandes de soins dermatologiques, et réduire les écarts, d’autres professionnels de santé de proximité comme les infirmiers ou les assistants médicaux spécialisés, pourraient être formés, et participer au désengorgement des salles d’attente et des agendas des dermatologues et des médecins généralistes.

 

  1. Formation et sensibilisation collective :

Sensibiliser la population sur cette pénurie est essentielle pour limiter la crise qui s’annonce.

Car, former davantage de dermatologues prend du temps.
Communiquer sur le rôle des médecins généralistes, compétents pour compenser la carence en soins dermatologiques, doit faire partie des priorités.

Par ailleurs, la participation du patient est primordiale : leur apprendre à s’autosurveiller avec des règles simples, peut les aider à consulter à bon escient ou à s’investir dans leur prise en charge, pour limiter les facteurs déclenchants ou aggravants, en cas de maladie chronique.

Enfin, une piste intéressante serait de réorganiser le parcours de soin du patient en remettant le médecin généraliste entre le dermatologue et lui, comme c’est déjà le cas avec la plupart des autres spécialités médicales.

Le patient consulterait son médecin traitant avant le dermatologue, qu’il envisage toujours comme unique recours possible.

Cette prise de conscience collective est impérative.

Impact économique de cette approche :

  1. Pour les Patients :

Ces solutions permettraient non seulement de réduire les coûts associés aux consultations spécialisées et aux déplacements, mais aussi ceux liés aux traitements mis en place, moins lourds si les maladies sont diagnostiquées et prises en charge à temps.

 

  1. Pour le système de santé :

Outre, les économies liées à la santé, les cabinets de dermatologie seraient désengorgés, et le nombre d’hospitalisations pour les cas graves évitables, abaissé.

Pour conclure...

Nous l’avons vu, à quelques exceptions près, consulter un dermatologue dans des délais raisonnables est quasiment impossible. Aujourd’hui, il faut compter entre 60 et 126 jours pour obtenir un rendez-vous.

Face à cette situation inquiétante, le médecin généraliste semble être le seul recours pour compenser cette pénurie, et diagnostiquer et traiter précocement les pathologies courantes.

Grâce à la formation continue, les outils modernes, et une collaboration renforcée avec les spécialistes, ils sont aujourd’hui la clef qui permet d’ouvrir l’accès aux soins dermatologiques aux laissés-pour-compte, notamment dans les zones de désertification médicale.

Mais, pour ne pas faire peser cette responsabilité sur les seules épaules des médecins généralistes, déjà surchargés de travail, une mobilisation collective est nécessaire pour éviter de déclencher un problème de santé publique supplémentaire.

Que pensez-vous de cette pénurie de dermatologues ?

Êtes-vous régulièrement consulté pour des maladies de peau ?

Êtes-vous à l’aise pour les prendre en charge ?

D’après vous, quelle autre solution pourrait être mise en place ?

Enfin, si vous avez trouvé cet article utile, n’hésitez pas à le partager.

Pour en savoir plus, n’hésitez pas à consulter notre catalogue de formations DPC.