quel type de purpura

Reconnaître un purpura : un réflexe vital en médecine générale

L’essentiel en un coup d’œil :

  • Reconnaître le purpura : lésion cutanée rouge-violacée ne s’effaçant pas à la vitropression ; un test simple mais capital en première intention.

  • Évaluer la gravité d’emblée : tout purpura fébrile, extensif ou infiltré doit alerter — suspicion de purpura fulminans → urgence vitale, appel immédiat au SAMU.

  • Orientation diagnostique : distinguer purpura thrombopénique (pétéchies, atteinte muqueuse, plaquettes ↓) du purpura vasculaire (lésions palpables, membres inférieurs, signes systémiques).

  • Examens clés en ville : NFS, CRP, BU, test de vitropression, photo des lésions, + réévaluation rapide à 24-48 h si forme bénigne.

  • Rôle central du MG : sécuriser l’orientation, décider du niveau d’urgence, initier le bilan et assurer un suivi clinique ou une coordination spécialisée selon l’étiologie.

Le saviez-vous ?

Quel généraliste n’a jamais vu arriver un patient inquiet, venu pour des taches violacées apparues sans prévenir ?

 

Derrière ces lésions cutanées se cache souvent un simple épisode viral — notamment chez l’enfant —, mais parfois, elles peuvent aussi être l’un des tout premiers signaux d’une urgence vitale.

 

Identifier rapidement un purpura, en apprécier la gravité et décider du bon niveau de prise en charge fait partie des réflexes indispensables en soins primaires. Et c’est vous, médecins généralistes, qui êtes le plus souvent les premiers à intervenir dans ces cas-là.

 

Cet article propose une démarche claire et immédiatement applicable pour reconnaître les principaux types de purpura, distinguer les formes bénignes des tableaux graves et sécuriser l’orientation diagnostique et thérapeutique.

 

Les 3 réflexes du généraliste face à un purpura

 

1.    Confirmer le purpura : test de vitropression → la lésion ne s’efface pas.

2.    Évaluer l’état général : fièvre, signes de choc, altération neurologique.

3.    Écarter un purpura fulminans : infection invasive (méningocoque, sepsis) → urgence vitale.

 

Définition et mécanismes physiopathologiques

Le purpura est une extravasation de sang dans le derme, secondaire à une fragilisation capillaire, une atteinte de la paroi vasculaire, une anomalie plaquettaire ou un trouble de la coagulation.

Contrairement aux éruptions érythémateuses, il ne disparaît pas à la vitropression.

 

Les grands mécanismes physiopathologiques

 

Les principaux mécanismes physiopathologiques rencontrés sont :

  • Une thrombopénie : chute du nombre de plaquettes (PTI, infections virales, sepsis, leucémie, médicaments).
  • Une atteinte vasculaire inflammatoire : vascularite (ou vasculite), dépôts immuns (IgA, vascularite leucocytoclasique, lupus).
  • Des troubles de la coagulation : coagulation intravasculaire disséminée, déficit en protéines C/S (purpura fulminans, déficits congénitaux).
  • Une fragilité capillaire : vieillissement cutané, corticoïdes (purpura sénile du sujet âgé).

 

Classification par taille des lésions

 

Type de lésion

Taille

Exemple typique

Pétéchies

< 2 mm

Purpura viral de l’enfant, thrombopénie.

Purpura

2 à 10 mm

Vascularite à IgA.

Ecchymoses

> 1 cm

Purpura de Bateman (sénile), traumatismes.

 

 

Astuce clinique :

Les pétéchies orientent plutôt vers des troubles plaquettaires, tandis que les purpuras palpables évoquent plutôt une vascularite.

Diagnostic d’orientation : thrombopénique ou vasculaire ?

La clé du raisonnement clinique repose sur la distinction entre un purpura thrombopénique — lié à un défaut plaquettaire —, et un purpura vasculaire — qui correspond à une inflammation ou une atteinte de la paroi vasculaire.

 

A. Purpura thrombopénique

 

Mécanisme

Défaut de production, destruction immunologique ou consommation accrue de plaquettes.

 

Aspect clinique

Pétéchies diffuses, non palpables.

Atteinte muqueuse (gingivorragie, épistaxis) suggestive.

Ecchymoses spontanées.

 

Causes fréquentes

 

PTI (purpura thrombopénique immunologique).

Infections virales (EBV, VIH, VHB, VHC).

Médicaments (héparine, quinine, sulfamides).

 

Examens clés

 

Hémogramme : plaquettes basses.

Bilan infectieux / auto-immun selon le contexte.

 

 

B. Purpura vasculaire (inflammatoire)

 

Mécanisme

Inflammation de la paroi vasculaire.

 

Aspect clinique

Purpura palpable.

Lésions infiltrées, parfois douloureuses.

Prédominance aux membres inférieurs.

 

Causes fréquentes

Vascularite à IgA (purpura rhumatoïde).

Réactions médicamenteuses (AINS, antibiotiques).

Infections bactériennes.

 

Examens clés

CRP, VS, BU (hématurie, protéinurie).

Bilan immunologique si suspicion systémique.

 

 

Arbre décisionnel simplifié : « Purpura en 4 étapes »

 

1.    Identifier → test de vitropression + taille + aspect + palpation.

2.    Évaluer → fièvre, extension rapide, douleur.

3.    Classer → thrombopénique / vasculaire / autre.

4.    Décider → urgence, bilan, surveillance ou orientation spécialisée.

 

Les formes cliniques les plus fréquentes en soins primaires

1. Purpura viral de l’enfant

  • Contexte infectieux bénin (ORL, virose).
  • Enfant en bon état général, apyrétique.
  • Purpura localisé, avec petits éléments pétéchiaux, stables.
  • Absence de signe de gravité.

Conduite : surveillance clinique, hémogramme si doute, fièvre ou extension rapide.

 

2. Purpura thrombopénique immunologique (PTI) 

  • Thrombopénie isolée post-infectieuse ou idiopathique.
  • Saignements muqueux possibles.
  • Enfant : évolution favorable.
  • Adulte : éliminer les causes secondaires (VIH, VHC, lupus).

→ Conduite : bilan étiologique + avis hématologique si plaquettes < 30 G/L.

 

3. Purpura fulminans

URGENCE ABSOLUE – méningococcémie suspectée.

  • Fièvre élevée.
  • Purpura extensif, infiltré ou nécrotique.
  • Tachycardie, marbrures.
  • Troubles neurologiques ou signes de choc.

→ Conduite : appel immédiat au SAMU (15), antibiothérapie préhospitalière (C3G en IV), hospitalisation en urgence.

 

Urgence – À ne jamais manquer

 

Jusqu’à preuve du contraire, un purpura fébrile extensif est une urgence vitale.

L’hospitalisation doit être décidée sans attendre les résultats biologiques.

 

 

4. Vascularite à IgA (Purpura rhumatoïde)

  • Enfant > 3 ans ou adolescent.
  • Purpura palpable des MI.
  • Douleurs abdominales ou articulaires.
  • Risque d’atteinte rénale.

→ Conduite : BU à chaque consultation pendant 6 mois si atteinte rénale, hydratation, antalgiques, avis néphrologique si hématurie ou protéinurie persistante.

 

5. Purpura sénile (Purpura de Bateman)

  • Sujet âgé.
  • Fragilité capillaire, photo-vieillissement.
  • Souvent sous antiagrégants plaquettaires ou anticoagulants.
  • Lésions ecchymotiques spontanées sur les avant-bras et les mains.

→ Conduite : rassurer, soins cutanés, photoprotection, revoir la pertinence des traitements qui favorisent les ecchymoses.

 

6. Purpura médicamenteux

  • Hypersensibilité retardée, vascularite leucocytoclasique.
  • Délai d’apparition : 7 à 14 jours après introduction du médicament.
  • Lésions purpuriques polymorphes + signes généraux possibles.

 → Conduite : arrêt du médicament suspecté et bilan de gravité avec avis spécialisé si bulles, nécroses ou atteinte rénale.

 

Tableau récapitulatif : types de purpura et conduites à tenir

Type

Étiologie principale

Aspect clinique

Conduite

Viral (enfant)

Infection bénigne

Petits éléments localisés et stables, non fébrile

Surveillance.

 

Vigilance si apparition de signes d’alerte (fièvre, extension).

 

PTI

Thrombopénie

Pétéchial diffus, muqueux

Bilan + avis hématologique.

 

Signe d’alerte : < 20 G/L.

 

Fulminans

Infection invasive

 

Nécrotique, infiltré, fièvre, choc

Urgence (Samu).

IgA

Vascularite

Palpable, prédominant aux membres inférieurs

 

Suivi + BU régulière pendant 6 mois.

Sénile

Fragilité cutanée

Ecchymoses

 

Rassurer.

Réévaluer les traitements AAP/AVK.

 

Médicamenteux

Hypersensibilité

Polymorphe

 

Arrêt du traitement suspecté + bilan.

 

 

Démarche clinique et examens à demander

Les examens de première intention sont :

  • Le test de vitropression (confirmation sémiologique).
  • L’hémogramme complet (plaquettes, hémoglobine, leucocytes).
  • TP/TCA, ± fibrinogène si suspicion de CIVD.
  • La BU (recherche hématurie, protéinurie).
  • La CRP / VS (inflammation).
  • Selon le contexte : sérologies virales, bilan hépatique, fonction rénale, bilan auto-immun, frottis.

 

Bilan minimal du MG face à un purpura :

 

Face à un purpura, il faut toujours réaliser :

·      Le test de vitropression pour confirmer le purpura.

·      Un hémogramme systématique en cas de purpura diffus ou si contexte d’inquiétude.

·      Une BU.

·      Une CRP.

·      La photo des lésions pour suivre l’évolution (+ éventuelle téléexpertise).

·      Une réévaluation à 24/48h si forme a priori bénigne.

 

Conduite à tenir et orientation

Situations d’urgence immédiate

Certaines présentations cliniques imposent une réaction immédiate, car elles engagent directement le pronostic vital.
C’est le cas d’un purpura fébrile, étendu, infiltré ou nécrotique, ou en présence de tout signe d’altération de l’état général.

Dans ces situations, la conduite à tenir est sans ambiguïté : contact immédiat avec le SAMU en vue d’une prise en charge urgente et d’une antibiothérapie probabiliste préhospitalière.

 

À noter qu’en cas de purpura fébrile, les recommandations nationales (HAS / SPILF) préconisent l’administration immédiate d’une antibiothérapie probabiliste adaptée en phase préhospitalière, réalisée par le médecin du SAMU/SMUR.

 

Le médecin généraliste peut l’initier uniquement si le SMUR n’est pas en mesure d’intervenir dans les 20 minutes.

 

L’antibiotique de référence est une céphalosporine de 3e génération — C3G IV (ceftriaxone ou céfotaxime).

 

 

Situations bénignes

À l’inverse, la majorité des purpuras observés en soins primaires sont bénins. C’est notamment le cas chez l’enfant apyrétique, ou lorsqu’il s’agit d’un purpura localisé, stable et non infiltré.
Dans ces situations, une surveillance clinique et une consultation de contrôle suffisent.

 

Orientation spécialisée 

Situation

Spécialiste référent

Rôle

 

Thrombopénie

Hématologue

Exploration étiologique.

 

Suspicion IgA

Néphrologue / médecine interne

 

Suivi rénal.

Purpura médicamenteux

 

Dermatologue

Confirmation histologique.

 

FAQ : Questions fréquentes en consultation

Comment distinguer un purpura d’une éruption virale ?

Pour cela, recourez au test de vitropression : un purpura ne s’efface jamais.

 

Quand hospitaliser un patient avec purpura ?

Dès que l’état de votre patient est altéré, s’il présente une fièvre élevée, un purpura étendu, infiltré ou nécrotique.

 

Quels examens demander en première intention ?

Les examens de base sont l’hémogramme, la BU et la CRP, éventuellement complétés selon contexte (sérologie, auto-immunité).

 

Le purpura peut-il être lié à un médicament ?

Oui, certains médicaments provoquent une vascularite cutanée (purpura médicamenteux).

Pour conclure...

Tout purpura doit être approché avec prudence. Deux gestes orientent d’emblée la prise en charge : le test de vitropression et l’évaluation de l’état général.

 

Dès que le purpura s’accompagne de fièvre, la priorité est la recherche d’une infection invasive et l’appel immédiat au SAMU. À l’inverse, un purpura localisé et stable chez un patient apyrétique est généralement bénin et peut être surveillé.

 

La classification thrombopénique ou vasculaire, complétée par la NFS, la CRP et la BU, permet de poser rapidement le diagnostic d’orientation. Elle constitue le socle du raisonnement clinique et guide les examens ainsi que la conduite à tenir.

Pour en savoir plus, n’hésitez pas à consulter notre catalogue de formations DPC.

Sources : 

Société Française de Médecine d’Urgence (SFMU) : Découvrir un purpura.

SPILF Infectiologie : Purpuras chez l’adulte et l’enfant.

HAS : PTI de l’adulte