femme avec son bébé

Allaitement maternel : prévenir et gérer les complications en médecine générale

L’essentiel en un coup d’œil :

  • Complications fréquentes mais évitables : Douleurs mammaires, engorgement, crevasses, mastite, canal bouché ou REF sont courants, mais souvent liés à un mauvais positionnement ou à une vidange incomplète.

  • Rôle clé du généraliste : Vous êtes en première ligne pour repérer les signes précoces, éduquer les mères, et coordonner avec sages-femmes, consultantes en lactation, ORL ou psychologues selon les cas.

  • Allaitement et santé mentale : Fatigue, charge mentale, douleurs et isolement peuvent affecter l’adhésion au projet d’allaitement. Le soutien psychologique est essentiel.

  • Côté bébé : impact possible sur la tétée : Troubles de succion, frein de langue, reflux ou douleurs posturales peuvent perturber l’allaitement. Évaluation régulière du poids, des selles et de l’efficacité des tétées recommandée.

  • Outils numériques utiles : Applis comme « Baby Manager », « Les 1 000 premiers jours » ou « Medela Family » facilitent le suivi et la prévention.

Le saviez-vous ?

Si l’allaitement est un moment privilégié entre la mère et son nouveau-né, et si les bienfaits du lait maternel ne sont plus à démontrer, certaines mamans le redoutent par peur d’avoir mal ou de ne pas savoir s’y prendre correctement.

Et, on peut le comprendre quand on sait qu’un bébé tète en moyenne 8 à 12 fois par jour les premières semaines de vie.

Déjà fragilisée par les bouleversements hormonaux et une fatigue accumulée, la jeune mère doit être accompagnée pour éviter que l’allaitement ne devienne un poids supplémentaire, surtout si une complication physique survient.

En effet, si une sensibilité du sein est normale durant les premiers jours, d’autres problèmes plus sérieux, comme des crevasses, l’engorgement mammaire ou encore la mastite, peuvent peser sur le moral de la jeune maman et son envie de nourrir son enfant au sein.

Alors, comment repérer, anticiper et accompagner les complications liées à lallaitement, quel est votre rôle et quelles sont les dernières recommandations à son sujet ?

C’est ce que nous verrons ci-après.

Approche globale des complications liées à l’allaitement :

docteur parle a une femme qui tient un bébé

Si l’OMS et l’Académie Américaine de Pédiatrie (AAP) préconisent d’allaiter l’enfant jusqu’à l’âge de 6 mois minimum, il ne s’agit pas d’une obligation. La jeune maman doit toujours pouvoir choisir librement d’allaiter ou pas son enfant.

En revanche, certaines d’entre elles peuvent refuser d’allaiter par peur de mal faire ou d’avoir mal : celles-ci doivent être rassurées, éduquées et accompagnées.

D’autant plus que l’allaitement n’est pas exempt de risques : différentes complications peuvent survenir et toucher la maman comme l’enfant.

Dans un premier temps, il faut envisager une évaluation personnalisée de la mère et du bébé : antécédents, contexte psycho-social, attentes…

Puis, une approche multidisciplinaire incluant un accompagnement par une équipe spécialisée composée de consultantes en lactation, sages-femmes, et psychologues, peut être envisagée dans les cas complexes.

Enfin, il est nécessaire de fixer des objectifs SMART pour accompagner efficacement la mère dans la durée.

Complications de l’allaitement pour la mère :

Les complications courantes incluent l’engorgement mammaire, les mamelons douloureux, l’obstruction des canaux lactifères, la mastite et l’anxiété.

Douleurs et crevasses des mamelons :

Allaiter entraine souvent des douleurs mammaires.

C’est même une des causes de l’arrêt de l’allaitement.

Pourtant, dans la majorité des cas, elles sont dues à une prise incorrecte du sein.

Elles peuvent aussi être dues à des crevasses.

Dans ce cas, les mamelons sont fissurés et peuvent saigner.

 

Causes fréquentes :

Elles sont dues à une position incorrecte du sein ou du bébé, une rétractation d’une lèvre de l’enfant lors de la succion du lait ou un problème du frein de la langue du nourrisson.

 

Prise en charge :

Pour les soulager, il suffit de corriger la position du sein ou de bébé, d’appliquer des crèmes cicatrisantes à base de lanoline, et de proposer des tétées moins longues mais plus fréquentes.

Engorgement et mastite :

Engorgement mammaire :

L’engorgement physiologique est normal et caractérise l’installation du stade II de la lactogenèse. Il devient pathologique quand il s’accompagne de frissons, fièvre, douleur et d’une gêne à l’écoulement du lait.

Les signes caractéristiques sont une fébricule à 38°, des seins tendus, durs, douloureux mais sans placard inflammatoire du sein. Le signe de Budin est négatif.

L’engorgement est généralement dû à des tétées trop espacées et une succion inefficace.

Des tétées fréquentes, efficaces et régulières (au minimum 8 fois par 24 heures) aident à soulager l’inconfort, qui dure généralement de 24 à 48 heures.

Exprimer doucement le lait, masser le sein ou appliquer des packs froids peuvent aussi soulager le sein engorgé.

S’il n’est pas traité, l’engorgement mammaire peut rapidement évoluer vers une mastite.

À noter que si tirer du lait entre les tétées soulage temporairement la tension dans les seins, cela indique aussi à l’organisme qu’il faut plus de lait.

On évite donc de tirer le lait pour ne pas aggraver l’engorgement.

 

Mastite :

La mastite est une inflammation mammaire. Elle est principalement due aux crevasses, lésions du mamelon, engorgement mammaire, obstruction d’un canal lactifère ou au sevrage.

Elle peut être non infectieuse ou infectieuse.

Dans ce dernier cas, les bactéries, le plus souvent le staphylocoque doré, pénètrent dans le sein en passant par les mamelons craquelés ou abîmés, et provoquent une infection.

La mastite est courante durant les 6 semaines qui suivent l’accouchement, chez les femmes qui allaitent.

 

Mastite non infectieuse

(Lymphangite) :

Mastite infectieuse

(Galactophorite) :

Signes cliniques :

Engorgement.

 

+/- fièvre ou syndrome pseudo-grippal avec altération de l’état général.

 

Atteinte unilatérale.

 

Douleur localisée, vive, avec rougeur et chaleur, souvent dans le quadrant supéro-externe, le plus riche en canaux.

 

Signe de Budin négatif.

Engorgement.

Fièvre > 39°, frissons.
 

Douleur de l’ensemble du sein avec noyaux durs et douloureux à la palpation, et adénopathies axillaires sensibles fréquentes.

Sein rouge et chaud.



 

Signe de Budin positif.

 

Traitement :

Poursuite de l’allaitement, extraction du lait.

 

Application de compresses chaudes ou de froides.

 

Paracétamol si besoin.

 

Hydratation.

 

Suivi et accompagnement.

 

Poursuite de l’allaitement.

 

Antibiothérapie à large spectre : cloxacilline (1g x 2/j) ou acide clavulanique/ amoxicilline (1g x 3/j), pendant 10 à 14 jours.

 

Si pas d’évolution après 48h : antibiogramme sur 1 échantillon de lait exprimé manuellement.

 

Échographie mammaire en l’absence d’évolution favorable : recherche d’un abcès.

 

Paracétamol si besoin.

 

Hydratation.

 

Surveillance, suivi et accompagnement.

 

L’abcès mammaire :

La mastite peut se compliquer et évoluer en abcès mammaire, notamment si l’allaitement est arrêté.

L’échographie permet de le diagnostiquer. Elle doit être réalisée précocement, et renouvelée autant de fois que nécessaire, en fonction de l’évolution clinique.

Le traitement de première intention est le drainage par ponction échoguidée.

Canal lactifère bouché et REF (Réflexe d’éjection fort) :

Canal bouché :

 Quand le lait maternel n’est pas régulièrement et totalement évacué, les canaux lactifères peuvent s’obstruer.
Des nodules localisés douloureux se forment alors dans les seins.

Dans ce cas, il est recommandé d’allaiter dans différentes positions, de vidanger complètement le sein, d’appliquer des compresses chaudes et de masser la zone douloureuse avant la tétée.

 

Réflexe d’Éjection Fort (REF) :

Il peut arriver que le lait s’écoule trop vite et gène le bébé qui toussote, régurgite, s’agite ou délaisse le sein.

Dans ce cas, il suffit d’attendre que le réflexe d’éjection, qui ne dure que quelques secondes, passe, pour remettre le bébé au sein.

La maman peut aussi allaiter en position déclive, et exprimer le lait manuellement avant la tétée.

Infections fongiques et douleurs inexpliquées :

Mycose du sein :

La candidose mammaire peut se développer à partir de crevasses non ou mal traitées, et le Candida peut entraîner des irritations et des crevasses.

Elle se manifeste par des douleurs en « éclair », brûlantes ou lancinantes au niveau du mamelon qui devient brillant ou du sein, mais aussi des rougeurs, des taches blanches, des démangeaisons et des picotements.

Le traitement est axé sur un antifongique local et on traite le bébé simultanément.

Autres douleurs à évaluer :


Vasospasme du mamelon
:

 Un vasospasme est une sensation désagréable, telle qu’une brûlure ou un pincement, ressentie au mamelon, qui change de couleur (bleu, blanc ou rouge), après la tétée, entre les tétées et au contact du froid. Il peut toucher le sein entier.

Pour le soulager, on applique localement de la chaleur avec la paume de la main, par exemple. On peut aussi recourir au Nifédipine dans certains cas.

 

Hypersensibilité nerveuse :

Une maman anxieuse, épuisée, frustrée ou qui ne se sent pas à la hauteur, peut renoncer à allaiter son enfant.

Pour éviter l’arrêt brutal et précoce de l’allaitement, il est crucial d’éduquer, de guider et de rassurer la jeune maman : positionnement du sein et de l’enfant, efficacité des tétées (quantité, fréquence, contre-succion si le sein est engorgé ou le mamelon, ombiliqué …).

Complications côté bébé impactant l’allaitement :

Parmi les complications les plus fréquentes côté bébé, on retrouve :

  • La mauvaise position et les tétées forcées.
  • Les troubles de succion : frein lingual ou labial.
  • Les douleurs à la tête, cou, clavicule liée à la naissance.
  • Le reflux gastro-œsophagien ou les coliques.
  • La perte ou la stagnation du poids.

Lors de vos consultations, vous effectuez un bilan nutritionnel, et évaluez régulièrement l’efficacité des tétées, le nombre de mictions et de selles et la prise de poids, pour déterminer si la production de lait maternel est suffisante, et ainsi écarter une sous-alimentation, une déshydratation ou une hyperbilirubinémie.

Noter que le décompte des couches peut indiquer si les quantités de lait ingérées par l’enfant sont suffisantes ou pas : par exemple, un nouveau-né âgé de 5 jours n’ingère pas suffisamment de lait, s’il souille moins de 6 couches par jour avec de l’urine et/ou s’il a moins de 4 selles par jour.

Fatigue et charge mentale maternelles :

Allaitement à la demande, sommeil perturbé, isolement social, anxiété, sentiment d’échec, baby blues, nous l’avons vu, l’allaitement peut impacter la santé mentale de la maman.

Alors, n’hésitez pas à impliquer les proches pour la soulager, et à diriger ces mamans en souffrance vers des groupes de soutien ou un psychologue si besoin.

Quand orienter vers un professionnel spécialisé ?

Pour sécuriser l’allaitement, et encourager et rassurer la maman, il est parfois nécessaire de reprendre les bases de la tétée.

Et, dans les cas plus complexes, vous pouvez les orienter vers :

  • Une consultante en lactation certifiée IBCLC.
  • Un ORL pédiatrique en cas de suspicion de problème de frein.
  • Un psychologue ou un psychiatre périnatal en cas de signes de dépression post-partum.
  • Les téléconsultations si l’accès local aux soins est limité.

Nouvelles ressources et outils pour le suivi :

Les applications mobiles :

Pour aider les jeunes mamans dans leur quotidien, et vous aider à détecter rapidement tout problème, n’hésitez pas à leur recommander certaines applications mobiles, telles que :

  • Les 1 000 premiers jours, application lancée par le ministère de la Santé, inclut toutes les informations essentielles au 1 000 premiers jours du nouveau-né. Elle permet aussi de prévenir les risques liés au bien-être de la maman, et notamment la dépression post-partum, grâce à un outil autodiagnostic intégré. Elle propose aussi un calendrier personnalisé avec définition de rappels (vaccins, rendez-vous médicaux…) pour alléger la charge mentale des nouveaux parents.

  • Baby Manager : suivi des tétées (horaire, quantité), du changement de couches…

 

  • Mon bébé : allaitement maternel : suivi des tétées (durée, horaire, type de tétée, quantité), du sommeil, du changement de couches et de la santé du bébé.

 

  • Medela Family : accompagnement personnalisé de la grossesse à l’accouchement, définition du projet d’allaitement, conseils d’expert, et suivi du développement de l’enfant (sommeil et croissance). Elle inclut un assistant personnel disponible 24h/24. 

 

  • Allaitement Maternel SuperMama : suivi des tétées (temps, volume de lait pompé…) avec possibilité de définir des rappels, et du sommeil (qualité et durée).

 

  • May : outils de suivi, (poids, sommeil, to-do list…), contenus informatifs sur le post-partum, messagerie en ligne (contact avec une équipe médicale, 7j/7 de 8h à 22h). Cette solution nécessite un abonnement payant.

 

Les autres outils :

Vous pouvez aussi recourir aux :

  • Plateformes de téléconsultation pour les suivis à distance.
  • Documentations visuelles classiques : flyers, dépliants et brochures informatives sur la tétée, les positions, checklist des complications.

Pour conclure...

Nous l’avons vu, la plupart des difficultés liées à lallaitement maternel peuvent être prévenues par un bon positionnement du sein et de l’enfant, et une vidange efficace du sein.

Si ses complications sont désagréables, et parfois inquiétantes, l’allaitement ne doit pas être arrêté brutalement au risque d’aggraver une situation déjà pénible.

En tant que médecin généraliste, votre rôle est central dans la détection des complications, et le soutien et lorientation des mères allaitantes.

Dans certains cas, vous devrez initier une collaboration avec d’autres professionnels, pour une approche multidimensionnelle et bienveillante, parfois nécessaire pour que la maman continue d’allaiter son nouveau-né en toute sérénité et sécurité.

Si vous n’êtes pas certain de savoir comment intégrer la gestion des complications de lallaitement dans le suivi postnatal, n’hésitez pas à compléter et actualiser vos connaissances avec l’une de nos formations dédiées.

Enfin, si vous avez trouvé cet article utile, partagez-le autour de vous.

Pour en savoir plus, n’hésitez pas à consulter notre catalogue de formations DPC.

Sources : 

HAS

MSD Manuals

Sante.gouv.fr

ScienceDirect.com