L’essentiel en un coup d’œil :
- Peau plus vulnérable : Chez les enfants, la peau est plus fine et moins résistante, rendant les infections et irritations plus fréquentes.
- Affections courantes : Varicelle, impétigo, eczéma, et dermatite atopique touchent majoritairement les enfants et nécessitent des traitements adaptés.
- Diagnostic précis : L’examen clinique, l’anamnèse, et des tests spécifiques (prélèvements, lumière de Wood) sont essentiels pour une prise en charge efficace.
- Traitements adaptés : Préférer les soins locaux (hydratants, antiseptiques) pour les affections légères, et ajuster les traitements systémiques selon l’âge et la pathologie.
- Rôle du généraliste : Diagnostiquer, traiter, éduquer les familles et orienter rapidement vers un spécialiste en cas de doute ou de symptômes graves.
Le saviez-vous ?
Parce que la peau des enfants est différente de celle des adultes, elle requiert une attention particulière.
Plus fine et moins résistante aux infections, elle peut être touchée par des dermatoses dont l’eczéma, les éruptions cutanées, le psoriasis, les mycoses ou l’acné.
Ces maladies de peau atteignent aussi bien les nourrissons, que les enfants ou les adolescents.
Elles peuvent représenter jusqu’à 20% du volume des consultations pédiatriques.
Quelles affections cutanées rencontre-t-on le plus fréquemment chez les enfants ? Quel rôle pouvez-vous jouer dans la gestion des éruptions infantiles ?
C’est ce que nous verrons dans cet article qui présente les bases de la dermato-pédiatrie.
Pourquoi les problèmes de peau sont-ils fréquents chez les enfants ?
Spécificités pédiatriques :
Rappel sur la peau :
La peau est l’organe le plus important de notre corps, puisqu’elle le recouvre intégralement.
Elle est composée de trois couches : l’épiderme, le derme et l’hypoderme, toutes susceptibles d’être touchées par la maladie.
La peau des enfants est différente de celle des adultes, tant en apparence que du point de vue de sa physiologie.
Elle évolue en même temps qu’il grandit.
De la naissance jusqu’à l’âge de 6 ans, elle est plus fine, et moins pigmentée, les mélanocytes étant moins actifs.
Les glandes sébacées et sudoripares sont moins actives : le film hydrolipidique et le manteau acide protecteur sont plus fragiles.
Sa fonction de barrière protectrice est donc limitée, et plus l’enfant est jeune, moins sa peau est résistante aux agressions des agents microbiens, physiques et chimiques, qui sont plus facilement et plus profondément absorbés.
À partir de l’âge de 6 ans, la structure de la peau et de ses phanères est mature et similaire à celle d’un adulte.
Enfin, les glandes sébacées commencent à s’activer vers l’âge de 12 ans, avec les changements hormonaux inhérents à la puberté.
À noter que chez les nourrissons, la vigilance doit être renforcée du fait de l’immaturité de leur système immunitaire et du risque infectieux qui est alors plus important.
Facteurs systémiques :
Certaines maladies systémiques ou multi-systémiques, comme le lupus érythémateux disséminé, peuvent présenter des symptômes cutanéo-muqueux dans leur tableau clinique et devront donc être recherchées et écartées.
À noter que pour les maladies rares, vous pouvez vous rapprocher d’un centre de la filière nationale des maladies rares de la peau, afin d’obtenir une expertise (Fimarad).
Les affections cutanées les plus fréquentes en Pédiatrie :
Tout d’abord, notons que les principaux symptômes observés en dermatologie pédiatrique sont :
- Les rougeurs, que l’on retrouve surtout dans les allergies ou les irritations.
- Les démangeaisons, caractéristiques de la dermatite atypique ou de l’eczéma.
- Les éruptions cutanées, typiques de la varicelle ou de la roséole.
- Les cloques, présentes dans certaines infections bactériennes sévères ou d’allergie grave.
À noter que face à des infections récurrentes, une maladie sous-jacente doit être recherchée.
Les principales affections dermatologiques infantiles :
Elles sont résumées dans le tableau qui suit.
| Maladies : | Symptômes : | Âge de l’enfant : |
Éruptions virales : | Varicelle
Cause : Virus VZV | Vésicules rouges prurigineuses évoluant en croûtes. Fièvre modérée.
| 1 à 10 ans. |
| Rougeole
| Prodrome : rhinite, conjonctivite, toux, fièvre élevée et grande fatigue.
Éruption maculo-papuleuse qui débute sur le visage.
|
6 mois à 4 ans. |
| Roséole
Ou exanthème subit
Cause : Herpes virus de type 6 | Début brutal par une forte fièvre suivie d’une brève éruption rose pâle typique.
|
6 mois à 24 mois.
Rare après l’âge de 4 ans. |
| Syndrome mains-pieds-bouche
Cause : plusieurs virus dont les entérovirus de type coxsackie. | Papulo-vésicules au niveau des mains, des pieds et autour de la bouche.
|
6 mois à 4 ans.
Peut toucher les enfants plus âgés et les adultes. |
Infections bactériennes :
| Impétigo
Causes : Staphylocoque doré Streptocoque | Croûtes jaunâtres surtout localisées au niveau de la bouche.
| 2 à 5 ans.
Mais aussi à tout âge. |
| Érysipèle
Causes : Staphylocoque doré (sur bouton de varicelle par exemple),
Streptocoque bêta-hémolytique | Plaques rouges douloureuses et gonflées, associées à de la fièvre.
|
Tout âge. |
Réactions allergiques et inflammatoires :
| Eczéma atopique
Fréquent. Chronique. Origine génétique ou environnementale.
| Prurit Sécheresse Rougeurs.
Localisation : dans les plis.
|
Chez le nourrisson et l’enfant jusqu’à l’âge de 5 ans. |
| Urticaire
| Plaques gonflées, Démangeaisons intenses.
Crises : brèves et isolées. Risque de chronicité.
|
Tout âge. |
| Dermatite de contact :
Cause : contact avec un allergène. | Rougeur et vésicules.
Prurit.
|
Tout âge. |
Les autres pathologies :
Les piqûres d’insectes :
Elles peuvent provoquer soit une réaction locale soit une réaction généralisée.
Le psoriasis en gouttes :
Maladie auto-immune, qui se caractérise par des plaques rouges et épaisses, souvent recouvertes de squames d’argent. Il est souvent déclenché par une infection streptococcique.
Le psoriasis pédiatrique est moins fréquent chez l’enfant que chez l’adulte.
À noter que certaines maladies de peau nécessitent d’emblée une prise en charge spécialisée. C’est le cas de la toxidermie sévère, par exemple.
Focus sur l’acné du nourrisson :
Si l’acné touche essentiellement l’adolescent (et dans ce cas on parle d’acné juvénile), elle peut aussi apparaitre chez le nourrisson, au cours des premiers mois de vie. L’acné néonatale se manifeste par des petites bosses rouges ou blanches sur le visage. Elle est généralement induite par les hormones maternelles. En règle générale, elle est inoffensive et régresse spontanément sans traitement.
Adaptation par groupes d’âge :
Du fait de l’évolution de la peau, on retrouve certaines affections à certaines périodes spécifiques de la vie de l’individu : les croutes de lait sont associées aux nourrissons, tandis que l’acné juvénile touchera plutôt l’adolescent.
Les troubles dermatologiques peuvent affecter la peau, la bouche, les organes génitaux, les narines, les ongles, les poils, les cheveux…
Certains d’entre eux régresseront, d’autres réapparaitront.
De sa naissance au premier mois de vie, le nouveau-né peut être atteint par certaines maladies infectieuses, secondaires à des infections périnatales, ou des anomalies cutanées principalement d’origine génétique, et qui se sont développées in utéro :
- Naevus congénital géant
- Épidermolyse bulleuse héréditaire
- Ichtyose
- Dysplasie ectodermique
- Angiome plan (tache de vin)
- Malformations congénitales cutanées …
Le nourrisson et l’enfant seront davantage concernés par les dermatites (eczéma, érythème fessier) et les infections virales (varicelle, molluscum contagiosum) ou bactériennes (impétigo), tandis que l’adolescent sera confronté à l’acné, l’hypersudation, les pellicules ou encore les cheveux gras, problèmes spécifiques à la puberté et à ses bouleversements hormonaux.
Diagnostic des affections cutanées chez l’enfant :
La dermato-pédiatrie s’intéresse :
- à la peau et à ses modifications au fil des âges,
- au stade de croissance de l’enfant,
- à son développement psychomoteur,
- aux maladies génétiques susceptibles de provoquer les troubles cutanés,
- aux répercussions psychologiques et sociales induites par la maladie de peau.
En tant que médecin généraliste, vous agissez sur 3 axes : le diagnostic, le traitement et l’éducation thérapeutique.
Le diagnostic :
Examen clinique :
L’examen clinique consiste en l’inspection minutieuse de la peau, du cuir chevelu, des phanères et des muqueuses, à la recherche des lésions. Cet examen visuel permet d’identifier leur morphologie (macules, papules, vésicules), leur localisation et leur distribution.
Anamnèse :
L’anamnèse de l’enfant doit être complète, comporter les symptômes cutanés, les symptômes associés (fièvre, douleurs), et l’historique familial (atopie, maladies auto-immunes).
Tests complémentaires :
Certains tests complémentaires peuvent être nécessaires.
- Prélèvements cutanés par grattage en cas d’infections bactériennes ou mycosiques + mise en culture.
- Tests cutanés pour déterminer l’allergie présumée responsable de l’éruption cutanée.
- Biopsie pour écarter ou confirmer un cancer de la peau.
- Lumière de Wood pour détecter les infections mycosiques et bactériennes ou les troubles de la pigmentation comme le vitiligo.
- Test de Tzanck, utile en cas d’affections virales (herpès, zona).
- Diascopie pour observer les éventuelles modifications de couleur des lésions, comme dans la sarcoïdose où les lésions deviennent brun-jaunâtre à la pression.
- Analyses sanguines si une maladie systémique est suspectée.
Scénarios spécifiques pour généralistes :
Savoir reconnaître les symptômes est déterminant pour que la gestion des affections dermatologiques soit efficace. Cela est d’autant plus important que les symptômes varient selon l’âge de l’enfant et la nature de la maladie en cause.
En cas de doute ou devant un cas complexe impliquant une maladie systémique, n’hésitez pas à initier une collaboration avec des confrères spécialisés en dermatologie.
Traitements des affections cutanées :
Le traitement doit être adapté à la lésion observée et à la maladie en cause : il est soit local, c’est à dire topique ; soit de fond, c’est à dire systémique. Son efficacité doit être réévaluée.
Les traitements peuvent être prescrits sous différentes formes : pommade, crème, onguent, préparation magistrale, lotion…
Il est aussi possible d’opter pour la voie orale : par exemple, l’acné peut nécessiter un traitement de fond.
Les prescriptions médicamenteuses et leurs dosages sont adaptés à l’âge de l’enfant, plus particulièrement lorsque l’on a recours aux médicaments systémiques.
Certaines lésions nécessitent une prise en charge plus spécifique comme la cryothérapie, le laser, la photothérapie ou encore la biopsie-exérèse.
Classiquement, on recommandera :
Les soins locaux
- Nettoyage doux avec des produits adaptés (sans savon ni parfum, pH neutre).
- Crèmes hydratantes pour les peaux atopiques.
- Crèmes barrières pour prévenir les irritations (érythème fessier).
Les médicaments topiques
- Corticoïdes pour l’eczéma ou les inflammations sévères.
- Antibiotiques locaux pour les infections bactériennes.
- Antifongiques pour les infections mycosiques.
Les médicaments systémiques
- Antihistaminiques pour l’urticaire ou les allergies.
- Antiviraux pour les cas graves (varicelle chez un enfant immunodéprimé).
- Antibiotiques oraux pour les infections bactériennes étendues.
L’éducation thérapeutique (ETP) de l’enfant et/ou de l’entourage :
L’ETP consiste à informer et éduquer le petit malade et/ou son entourage au sujet de la maladie, ses symptômes, ses traitements, son évolution, les bons gestes à adopter pour éviter les récidives ou réduire les crises, la conduite à tenir en cas d’aggravation…
Quant à la prévention des affections cutanées, elle regroupe différentes consignes et recommandations comme :
- Le respect des règles d’hygiène de base : lavage régulier des mains, éviter les contacts avec des personnes infectées.
- La vaccination : certaines maladies éruptives virales, comme la rougeole, la rubéole ou les oreillons, sont évitables par la vaccination. Le respect des recommandations vaccinales est donc essentiel.
- Les soins préventifs : les enfants utilisent de préférence des crèmes hydratantes si leur peau est atopique, et de manière générale, ils emploient des produits doux, sans parfum ni composants agressifs ou allergisants.
- Les conseils pour les parents : une surveillance étroite de l’enfant doit être instaurée pour éviter les grattages et prévenir les surinfections.
Quand consulter un spécialiste ?
Certains troubles cutanés ou symptômes associés à une lésion nécessitent de consulter un spécialiste.
Signes alarmants :
Parmi les signes alarmants, on relève :
- une fièvre persistante,
- une éruption généralisée,
- des douleurs intenses,
- des symptômes respiratoires associés à la pathologie dermatologique.
À noter que certains symptômes peuvent être le signe d’affections cutanées plus graves et nécessitent une attention médicale immédiate : cloques, lésion douloureuse qui change brusquement de couleur, grain de beauté qui apparait soudainement et qui évolue de manière suspecte …
De la même manière, une fièvre élevée suivie d’une éruption cutanée rouge peut évoquer une roséole infantile, qu’il faut traiter sans tarder.
Cas spécifiques nécessitant un dermatologue :
Il est impératif d’adresser votre patient à un confrère dermatologue en cas d’éruptions résistantes au traitement de première ligne ou devant une suspicion de maladie systémique, comme une vascularite ou un lupus, par exemple.
Prise en charge urgente :
Il est aussi crucial d’orienter le patient vers les urgences, en cas de choc anaphylactique ou de suspicion de syndrome de Stevens-Johnson.
L’urticaire, l’érythème polymorphe et les dermatoses bulleuses doivent également être rapidement prises en charge pour éviter les complications.
Différences entre dermatologie pédiatrique et dermatologie adulte :
Physiologie cutanée :
La peau des enfants est plus fine et perméable.
Traitements adaptés :
Les posologies doivent être adaptées à l’âge de l’enfant, et la prudence est recommandée avec les corticoïdes et les autres traitements systémiques.
Considérations psychologiques :
Les enfants peuvent développer des maladies génétiques ou congénitales qui impactent leur peau, parfois de manière spectaculaire.
Les enfants et les adolescents peuvent alors être source de moqueries, et sensibles au regard de l’autre, des perturbations d’ordre psychologique peuvent s’installer, majorer les troubles cutanés existants et peser sur les soins, si elles ne sont pas intégrées dans l’accompagnement global.
Le soutien psychologique, la réassurance ou encore la recommandation d’associations spécifiques peuvent permettre à l’enfant de s’inscrire dans le processus de soins, et aux parents de les aider dans leur quotidien.
Cet aspect de la prise en charge ne doit en aucun cas être négligé, surtout en présence de lésions induites ou majorées par le stress.
Ressources et outils pour les médecins généralistes :
Applications cliniques :
Pour vous guider dans l’analyse des lésions et votre diagnostic, vous disposez de plusieurs outils en ligne comme MoleScope ou SkinVision.
Formations continues :
Si vous ne vous sentez pas suffisamment à l’aise avec les affections dermatologiques, leur diagnostic et leur prise en charge, vous pouvez compléter vos connaissances ou les réactualiser grâce à la formation continue, et plus précisément, les actions de DPC dédiées à la dermatologie générale et la dermatologie pédiatrique.
Publications de référence :
La Société Française de Dermatologie Pédiatrique est également une ressource inestimable, susceptible de vous aiguiller dans votre quotidien.
Guides pratiques pour les parents :
Enfin, il existe des flyers dédiés aux affections dermatologiques courantes et les soins qu’elles requièrent.
À visée éducative, ils peuvent accompagner les parents dans leur quotidien. N’hésitez pas à leur en distribuer.b
Pour conclure...
Comme nous venons de le voir, l’immaturité de la barrière cutanée de l’enfant, rend sa peau plus vulnérable aux agents infectieux, aux allergènes et aux irritants.
Qui plus est, il peut aussi développer certaines maladies génétiques ou systémiques associées à des manifestations cutanéo-muqueuses.
En tant que médecin généraliste, vous avez un rôle majeur à jouer dans la prise en charge des maladies dermatologiques infantiles, qui doit être ciblée, adaptée, globale et sécurisée.
Savoir reconnaitre ces affections cutanées, les diagnostiquer avec précision, et les traiter rapidement est crucial pour éviter l’aggravation des symptômes et les complications.
Et, si vous avez un doute ou que le traitement de première intention est inefficace, n’hésitez pas à orienter votre jeune patient vers un de vos confrères dermatologues, à qui vous référez.
Que pensez-vous de votre implication en dermato-pédiatrie ?
Avez-vous déjà suivi des modules de spécialisation à son sujet ?
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