image femme endométriose

Endométriose : mieux reconnaître les symptômes pour agir plus tôt

L’essentiel en un coup d’œil :

  • Prévalence et diagnostic tardif : L’endométriose touche 1 femme sur 10, mais reste sous-diagnostiquée avec un retard moyen de 7 ans, surtout en cas de contraception.

  • Symptômes polymorphes : Douleurs pelviennes, dysménorrhées, dyspareunies, troubles digestifs ou urinaires, infertilité… les signes varient selon la localisation des lésions.

  • Outils d’aide au dépistage : Questionnaires validés, applications comme Luna et algorithmes comme Shiny Deva permettent un repérage plus précoce en soins primaires.

  • Parcours diagnostic structuré : Échographie pelvienne, IRM endopelvienne, coelioscopie si nécessaire ; des examens complémentaires selon les atteintes suspectées.

  • Prise en charge pluridisciplinaire : Antalgiques, AINS, contraception, accompagnement psychologique et coordination avec gynécologue, radiologue, psychologue et sage-femme.

Le saviez-vous ?

L’endométriose est une maladie gynécologique inflammatoire qui touche entre 1,5 et 2,5 millions de femmes.

Si dans 1/3 des cas elle est asymptomatique, des douleurs invalidantes sont retrouvées chez 7 femmes sur 10.

Et, si la douleur pelvienne est le signe le plus évident de la maladie, elle peut aussi induire une infertilité, et des symptômes atypiques en fonction de l’organe atteint.

Après des années d’errance médicale, le nombre de prises en charge augmente grâce à votre implication, et à une meilleure sensibilisation des professionnels de santé et des femmes.

Si les stratégies mises en place en 2022 par le ministère de la Santé commencent à porter leurs fruits, l’endométriose reste encore majoritairement sous détectée, et accuse toujours un retard de diagnostic d’environ 7 ans, notamment chez les femmes sous contraception.

Pour continuer à faire évoluer les choses, et accompagner au mieux ces femmes en souffrance, qui n’associent pas toujours leurs symptômes à la maladie gynécologique, ou qui ont parfois honte d’évoquer certains symptômes tels que la dyspareunie, savoir reconnaître les signes cliniques de la maladie est impératif.

Alors, quels sont les symptômes de l’endométriose, et de quels outils disposez-vous la diagnostiquer ?

C’est ce que nous verrons ci-après.

Comprendre l’endométriose : rappels cliniques

Définition :

L’endométriose est une maladie œstrogèno-dépendante multifactorielle, qui touche une femme sur 10 en âge de procréer, parfois dès la survenue des premières règles.

Elle se caractérise par le développement de tissu endométrial, en dehors de la cavité utérine.

Les lésions d’endométriose ayant les mêmes caractéristiques que les cellules de la muqueuse utérine, elles réagissent aux hormones ovariennes (œstrogènes, progestérone). 

Après l’ovulation, la muqueuse utérine s’épaissit dans l’éventualité de la nidation.

En l’absence de fécondation, les règles reviennent.

En cas d’endométriose, certaines cellules de l’endomètre migrent en dehors de l’utérus et se posent sur d’autres organes. Une réaction inflammatoire se produit, et la formation de lésions, cicatrices, adhérences, kystes… 

Les lésions se développent et saignent à chaque cycle menstruel.

L’endométriose peut être silencieuse ou impacter la vie des femmes de manière significative.

Formes cliniques :

On distingue 3 formes d’endométriose, selon la localisation des lésions :

L’endométriose superficielle :

Dans ce cas, on retrouve des fragments d’endomètre à la surface du péritoine.
Bien que superficielles, les lésions peuvent être douloureuses.

L’endométriose ovarienne :

On parle d’endométriose ovarienne quand les lésions évoluent vers la formation de kystes ovariens, aussi connus sous le nom d’endométriomes.

L’endométriose pelvienne profonde :

On parle d’endométriose profonde quand les lésions sont localisées à plus de 5mm sous la surface du péritoine.

Ses localisations les plus fréquentes sont :

  • Les ligaments utérins (50 % des cas),
  • L’intestin (incluant le rectum, 20 à 25 % des cas),
  • Le vagin (15 %), la vessie (10 %),
  • Les uretères (3 %).
  • Mais, aussi le côlon, l’appendice et l’iléon terminal.

 

L’endométriose extra-pelvienne :

Ces formes rares d’endométriose touchent par exemple le diaphragme, le thorax, et même le système nerveux et le cerveau, provoquant des crises d’épilepsie, par exemple.

 

Localisations fréquentes :

Parmi les localisations les plus fréquentes, on retrouve :

  • L’utérus(adénomyose où les cellules de l’endomètres infiltrent le myomètre).
  • Les ovaires(endométriomes ou kystes endométriosiques).
  • Les trompes utérines.
  • Les ligaments utérins.
  • Les organes digestifs (rectum, jonction entre rectum et sigmoïde).

Plus rarement, on retrouve les lésions au niveau du côlon, intestin grêle, col de l’utérus, vagin, vulve, paroi abdominale interne (ombilic, creux de l’aine, anciennes cicatrices), vessie, uretères, etc.

Et, plus exceptionnellement encore, sur des organes à distance de la cavité abdomino-pelvienne (plèvre, poumons, diaphragme).

Identifier les symptômes caractéristiques (et atypiques) :

Les signes d’endométriose peuvent être absents dans les formes asymptomatiques, ou être plus nombreux et variés, en fonction de la localisation des lésions.

Les symptômes peuvent être chroniques ou cycliques, et leur intensité n’est corrélée ni à leur nombre, ni à leur localisation ni à un caractère de gravité.

Les symptômes les plus fréquents sont l’infertilité, que l’on retrouve chez 40% des femmes atteintes d’endométriose, et la douleur, souvent asymétrique, retrouvée dans 70% des cas.

Mais, les symptômes ne s’arrêtent pas là, alors partons à leur (re)découverte.

femme avec douleurs au ventre

Symptômes gynécologiques :

On y retrouve essentiellement, les :

  • Ménométrorragies.
  • Douleurs pelviennes inter-menstruelles.
  • Dysménorrhées intenses, non soulagées par les antalgiques classiques.
  • Dyspareunies profondes, dont la douleur dite « balistique » est due à la position du pénis qui appuie sur le nodule d’endométriose profonde.

À noter que les dyspareunies sont l’une des causes fréquentes du retard de diagnostic.

Et, que le différentiel avec le vaginisme doit être fait.

Symptômes digestifs et urinaires :

Endométriose digestive :

Quand l’endométriose touche les intestins, le colon ou le rectum, on parle d’endométriose digestive.

Parmi ses symptômes, on retrouve :

  • Une alternance de diarrhée / constipation, aggravée au moment des règles.
  • Des nausées.
  • Des douleurs lors de la défécation.
  • Plus rarement, des rectorragies ou une occlusion (ballonnements abdominaux, arrêt des selles et des gaz).
     

Le différentiel avec d’autres maladies digestives aux symptômes similaires est à faire : Syndrome de l’Intestin Irritable, rectocolite hémorragique, maladie de Crohn, pour éviter les confusions ou le retard de diagnostic.

 

Endométriose urinaire :

On parle d’endométriose vésicale quand les lésions fibreuses infiltrent la vessie. Elle entraîne :        

  • Des douleurs pelviennes et urinaires.
  • Des dysuries.
  • Une pollakiurie voire une hématurie.
  • Des troubles de la continence.

On parle d’endométriose urétrale quand les nodules englobent, étranglent ou envahissent les uretères. En cas de rétrécissement de l’uretère, les urines peuvent s’accumuler en amont et entraîner une hyperpression dans le rein puis, à terme, son atrophie.

Le diagnostic différentiel avec d’autres maladies urinaires, comme les infections urinaires chroniques, est à faire.

Symptômes liés à la fertilité :

 Si l’on retrouve l’infertilité ou le retard à la conception chez 40% des femmes atteintes d’endométriose, les mécanismes en cause ne sont pas encore clairement expliqués.

On sait qu’ils sont nombreux et que toutes les étapes de la reproduction peuvent être affectées : diminution de la réserve folliculaire, troubles de l’ovulation, anomalies de la fécondation …

C’est généralement au décours d’un bilan de fertilité que l’endométriose est diagnostiquée, sans qu’on ne connaissance réellement le lien biologique qu’il y a entre eux.

À noter qu’environ 2 femmes sur 3 souffrant d’infertilité liée à l’endométriose peuvent avoir un enfant par Assistance Médicale à la Procréation ou par Fécondation In Vitro.

Autres signes généraux :

On peut aussi retrouver d’autres symptômes tels que :

  • La stigmatisation, le retrait de la vie sociale, l’isolement et la dépression.
  • Une fatigue chronique invalidante.
  • Des lombalgies et des cruralgies.
  • Une altération de la qualité de vie (sommeil, travail, intimité).

Quand elle n’est pas diagnostiquée précocement, l’endométriose évolue et s’aggrave. Dans de très rares cas, elle peut augmenter le risque de développer un cancer des ovaires.

En principe, les symptômes régressent à la ménopause.

À noter que pendant la grossesse, la prolifération et le saignement des lésions s’arrêtent sous l’effet de l’augmentation du taux de progestérone. Les crises d’endométriose cessent jusqu’à l’accouchement, mais reprennent généralement avec le retour des règles.

Évaluation clinique : points clés pour le médecin généraliste

Anamnèse approfondie :

Nous l’avons vu, l’endométriose est une maladie complexe, dont les causes exactes sont encore mal comprises et, qui résulterait de différents facteurs génétiques, hormonaux et environnementaux, combinés.

Les symptômes étant variables et généraux, il n’est pas simple de la diagnostiquer.

On parle d’endométriose quand la douleur est cyclique, qu’elle revient avec les règles, qu’elle résiste à un antalgique simple ou à un antispasmodique, et qu’elle impacte les activités quotidiennes. Ces symptômes imposent une consultation.

Votre interrogatoire comprend :

  • Les antécédents personnels et familiaux.
  • L’histoire des menstruations : analyse des cycles (fréquence, durée), symptômes gynécologiques, intensité et impact fonctionnel.
  • L’historique de la douleur : localisation, intensité, durée, ce qui la soulage.
  • La présence de troubles associés : dyspareunie, troubles digestifs, urinaires, douleurs à la marche… 

Examen clinique :

L’examen clinique gynécologique doit être minutieux.

Le toucher vaginal (et/ou rectal) permet de localiser les douleurs, et de déceler des signes d’induration.

 

Impact psychologique :

L’anxiété, l’isolement, et le vécu du corps doivent être évalués.

 

Outils d’évaluation :

Pour vous aiguiller dans votre diagnostic, vous pouvez utiliser les échelles de douleur et les questionnaires validés, tels que :

L’algorithme « Shiny Deva » :

Il s’agit d’un outil numérique d’aide à la décision, conçu pour le dépistage de l’endométriose, basé sur un auto-questionnaire de symptômes douloureux pelviens (ENDOL-4D).

Si vos patientes peuvent faire ce test en toute autonomie, l’intégrer à votre pratique, permettrait d’orienter d’emblée celles qui nécessitent une IRM, et donc de réduire les délais diagnostiques.

 

L’application Luna For Health :

L’application Luna, fondée sur une expertise médicale, permet de dépister l’endométriose grâce au LunaEndoScore ®.
Différents questionnaires validés scientifiquement permettent de scorer le risque d’atteinte d’endométriose. Les questionnaires concernent les cycles menstruels, la douleur, la qualité de vie, la vie sexuelle, et le potentiel de fertilité.

LUNA propose aussi un suivi quotidien et un accompagnement individualisé souvent

Outils diagnostiques et conduite à tenir :

Le diagnostic de l’endométriose peut être long et difficile.

D’autres pathologies provoquent des douleurs pelviennes et sont à éliminer, telles que le syndrome de congestion pelvienne ou le syndrome des ovaires polykystiques.

L’endométriose peut aussi être associée à d’autres pathologies inflammatoires qu’il faudra dépister et dont il faudra tenir compte, telles qu’un lupus, une spondylarthrite ou une fibromyalgie.

Explorations de première intention :

La HAS recommande de recourir à l’échographie pelvienne en première intention.

Néanmoins, dans certains cas, elle n’est pas assez contributive, et une échographie par voie endovaginale est nécessaire pour visualiser les organes internes.

Mais, si elle permet de déceler les kystes ovariens, d’autres lésions peuvent parfois passées inaperçues.

 

IRM pelvienne :

L’IRM permet d’observer les tissus mous de manière plus précise, et de détecter les kystes, nodules ou lésions d’endométriose profonde.

Elle complète l’échographie endopelvienne.

À noter que l’IRM ne détecte pas l’endométriose superficielle ou péritonéale.

 

Coelioscopie :

Dans les cas où l’imagerie est peu concluante, on peut recourir à la coelioscopie pour confirmer l’histologie des lésions.

 

Autres examens :

Des examens complémentaires peuvent être demandés, une fois le diagnostic posé, dont :

  • L’hystérographie ou l’hystérosalpingographie, dans le cadre du bilan d’infertilité (recherche de malformation utérine, déformation de la cavité utérine, adhérences, perméabilité des trompes).

 

  • Échographie endorectale, coloscanner à l’air, coloscopie virtuelle, uroscanner, en cas de symptômes digestifs ou urinaires, et en complément de l’IRM.

 

À noter qu’un test salivaire (Endotest®), capable de diagnostiquer l’endométriose en quelques jours, est en cours d’évaluation.

Vers une prise en charge précoce et pluridisciplinaire :

En cas de forte suspicion clinique, vous orientez votre patiente vers un spécialiste, et mettez en place un suivi en soins primaires basé sur :

  • La prise en charge de la douleur : antalgiques, AINS, contraception hormonale en continu…
  • L’accompagnement psychologique et éducatif de votre patiente.
  • Le suivi de la fertilité : approche multidisciplinaire, notamment en cas de stimulation ovarienne ou de FIV.

 

Enfin, vous coordonnez la prise en charge, et collaborez étroitement avec le gynécologue, le radiologue, le psychologue, et la sage-femme.

Stratégies personnalisées de gestion des symptômes :

Objectifs SMART :

Impliquer la patiente dans sa prise en charge est primordial, pour obtenir son adhésion dans le programme de soins, mais aussi pour mesurer l’efficacité de la prise en charge, et la redéfinir au besoin.

 

Outils numériques :

Différents outils numériques peuvent permettre d’améliorer le suivi, tels que :

  • Les applications de suivi de cycles et des symptômes (ex. Follow Metrios par exemple).
  • La télémédecine pour assurer la continuité du suivi.

 

Groupes de soutien et sensibilisation de l’entourage.

Vous pouvez aussi diriger vos patientes vers des groupes de soutien, les filières de soins régionales, et leur recommander la plateforme EndoFrance, qui fournit des informations essentielles sur la maladie, et propose des rencontres et évènements un peu partout sur le territoire.

Enfin, pour faire avancer la recherche, vous pouvez encourager votre patiente à rejoindre la plateforme ComPaRe Endométriose, et à répondre à des questionnaires en ligne au sujet de leur maladie et leur traitement.

Pour conclure...

L’endométriose est une pathologie chronique aux symptômes si variés, qu’il est parfois difficile de la détecter.

Or, la diagnostiquer précocement est essentiel pour améliorer la qualité de vie des femmes qui en souffrent.

En tant que médecin généraliste vous avez un rôle clé à jouer dans le repérage de ses symptômes, la coordination du diagnostic, et l’accompagnement global.

Pour vous aider dans votre pratique, n’hésitez pas à vous appuyer sur les outils et les partenaires du parcours de soins, et à favoriser une écoute bienveillante afin de mettre à l’aise vos patientes, peut être gênées d’évoquer avec vous ces symptômes qui touchent à leur intimité.

Pour conclure, prenez-vous en charge des patientes souffrant d’endométriose ?

Quelles difficultés rencontrez-vous dans son diagnostic ou quels conseils donneriez-vous à vos collègues moins à l’aise avec ce type de prise en charge ?

Enfin, si vous avez trouvé cet article utile, partagez-le autour de vous.

Pour en savoir plus, n’hésitez pas à consulter notre catalogue de formations DPC.

Sources : 

HAS

Ameli

Santé Publique France

EndoFrance