L’essentiel en un coup d’œil :
Prurit nocturne intense : La gale se manifeste par des démangeaisons aggravées la nuit, souvent accompagnées de sillons scabieux et de lésions de grattage, visibles entre les doigts, sur le tronc ou les organes génitaux.
Très contagieuse : Transmise par contact direct prolongé (rapprochement familial, soins, rapports), elle se propage vite en collectivité. Tous les cas contacts doivent être traités simultanément.
Diagnostic avant tout clinique : L’inspection visuelle suffit souvent. Un prélèvement peut être réalisé en cas de doute ou de forme atypique.
Traitement en 3 volets : Application de perméthrine 5 %, traitement de tous les contacts, désinfection de l’environnement. L’ivermectine orale est réservée aux formes graves ou collectives.
Suivi indispensable : Démangeaisons résiduelles possibles jusqu’à 4 semaines. Le succès repose sur une prise en charge rigoureuse, répétée à J0 et J8–J10.
Le saviez-vous ?
Longtemps considérée comme une maladie honteuse, associée à la pauvreté et au manque d’hygiène, la gale fait régulièrement parler d’elle. Récemment, un foyer a été signalé dans une clinique de Cabestany, touchant 9 soignants.
La gale reste donc une réalité quotidienne, y compris dans les structures de soins. Elle touche tout le monde, quel que soit l’âge ou le statut.
Cette parasitose cutanée, encore appelée scabiose, est due à un acarien microscopique, le sarcoptes scabiei var. hominis, qui creuse des sillons sous la peau pour y pondre ses œufs. Elle entraîne des démangeaisons intempestives surtout nocturnes, des lésions de grattage, parfois des croûtes qui peuvent se surinfecter.
Elle se transmet par contact direct prolongé, et se propage rapidement dans un foyer ou dans les milieux collectifs : crèches, écoles, EHPAD, unités de soins.
En tant que médecin généraliste, vous êtes souvent les premiers à intervenir. Dans ce cas, votre mission est de diagnostiquer tôt, traiter efficacement le patient et son entourage, et prévenir la propagation en collectivité et les récidives.
Alors qu’est-ce que la gale ? Quelles sont les recommandations actuelles ?
C’est ce que nous verrons ci-après.
Symptômes de la gale
Chez l’adulte
Le prurit nocturne intense est le signe cardinal, souvent décrit comme insupportable et perturbant le sommeil. Il est dû à la réaction immunitaire de l’organisme contre le parasite. Le patient peut aussi ressentir une sensation de brûlure.
À l’examen, les sillons scabieux apparaissent comme de fins tracés grisâtres sinueux, visibles entre les doigts, aux poignets, aux coudes, aux aisselles, sur l’abdomen, les fesses, les organes génitaux.
Des papules rouges, parfois vésiculeuses ou pustuleuses, de la taille d’une épingle, souvent autour des poils, s’associent à des lésions de grattage (stries, croûtes, eczématisation). Les formes atypiques incluent les vésicules perlées à l’extrémité d’un sillon, les nodules violacés persistants et certaines ulcérations chroniques. Les nodules peuvent persister pendant des mois, même après la guérison.
Chez les enfants et nourrissons
Chez l’enfant, l’atteinte est plus diffuse que chez l’adulte : visage, cuir chevelu, paumes des mains et plantes des pieds sont souvent touchés. L’enfant devient irritable, dort mal et se gratte intensément parfois jusqu’au sang, favorisant les surinfections bactériennes.
Chez le nourrisson, on observe fréquemment des vésicules et nodules aux aisselles et organes génitaux. Le risque d’évolution vers une forme grave —gale du nourrisson, gale hyperkératosique— doit être surveillé de près.
Cas particuliers
Certaines formes de gale nécessitent une surveillance renforcée. C’est le cas de :
- La gale impétiginisée qui correspond à une surinfection bactérienne des lésions : croûtes jaunâtres suintantes, pus, lymphangite.
- La gale profuse qui est une forme étendue : les lésions sont épaisses, croûteuses, très contagieuses, essentiellement situées sur le tronc et le cuir chevelu. Elle touche surtout les personnes âgées, immunodéprimées et corticodépendantes.
- La gale hyperkératosique (ou croûteuse), qui est une forme chronique, pauci-prurigineuse, marquée par des squames épaisses, des croûtes adhérentes à la peau, des plaques rouges ressemblant à de l’eczéma et une atteinte unguéale (ongles jaunâtres et épaissis). On retrouve les lésions principalement sur les paumes des mains, la plante des pieds, le cuir chevelu, le visage, le tronc et les fesses.
Différencier gale bénigne et forme grave
Forme | Localisation | Symptômes | Population à risque |
Classique | Espaces interdigitaux, poignets, coudes, aisselles, abdomen, fesses, organes génitaux.
| Démangeaisons nocturnes intenses, sillons scabieux, papules/vésicules, lésions de grattage. | Tout public. |
Nourrisson | Visage, cuir chevelu, cou, paumes des mains, plantes des pieds, organes génitaux, aisselles. | Irritabilité, troubles du sommeil.
Lésions : nodules et vésicules diffus.
Surinfections fréquentes.
Risque de gale sévère.
| < 2 ans. |
Croûteuse Hyperkératosique Norvégienne | Corps entier | Croûtes adhérentes. Squames épaisses. Prurit faible ou absent. Contagiosité ++ | Personnes âgées, immunodéprimés.
Personnes handicapées vivant en institution. |
Transmission et contagiosité
Modes de transmission
La gale se transmet avant tout par contact direct peau à peau (vie familiale, soins prolongés, rapports sexuels). Plus le contact est long, et intime, plus le risque de transmission est élevé. En principe, un seul contact suffit.
Excepté en présence de gale profuse où la charge parasitaire est élevée, la transmission indirecte (linge, literie, vêtements) reste rare, car l’acarien survit peu hors de l’hôte (2 à 3 jours).
La période d’incubation est de 2 à 5 semaines lors d’une primo-infestation, et seulement de 1 à 4 jours lors d’une réinfestation. La contagiosité débute avant les premiers symptômes, et persiste tant que des sarcoptes sont présents sous la peau, et jusqu’à 48 h après traitement. |
Prévention de la contagion
Les mesures préventives consistent à isoler temporairement le patient, à traiter simultanément les cas contacts, même asymptomatiques, à laver le linge contaminé, à désinfecter les surfaces et à mettre sous sac hermétique tout objet non lavable, pendant 3 à 7 jours, le temps de tuer le parasite et ses œufs.
Diagnostic de la gale
Diagnostic clinique
Le diagnostic repose sur l’inspection visuelle des lésions (sillon, vésicules, localisation), mais aussi sur un interrogatoire minutieux :
- Début des démangeaisons, intensité.
- Liste des cas contact (partenaire, fratrie, établissement).
- Terrain : nourrisson, grossesse/allaitement, âge avancé, immunodépression, eczéma.
- Traitements déjà tentés (corticoïdes locaux favorisant les eczématisations).
- Retentissement (insomnie, grattage, surinfection).
Le diagnostic clinique de la gale peut être confirmé par :
- Grattage cutané: le prélèvement met alors en évidence le parasite, ses œufs, ses fèces. Un résultat négatif n’infirme pas toujours l’hypothèse diagnostique, surtout dans les formes classiques de gale.
- Dermatoscopie: visualisation du « delta » scabieux à l’extrémité d’un sillon.
En pratique, la confirmation paraclinique n’est pas indispensable si le contexte est évocateur et qu’un traitement peut être initié sans délai.
Les principaux diagnostics différentiels sont :
- Eczéma, dermatite atopique (prurit, lichénification).
- Urticaire (lésions fugaces, prurit incoercible mais sans sillons).
- Dermite séborrhéique, prurigo, impétigo, dermatomycose.
- Piqûres de puces ou de punaises (distribution en « petits déjeuners »).
- Gale animale (transitoire, sans sillon, autolimitation).
Quand consulter ?
Une consultation est impérative si les symptômes persistent malgré le traitement, s’il y a un risque de forme grave ou de contagion en milieu collectif, en cas de surinfection (croûtes, écoulement) ou d’éruption généralisée.
Il est indispensable de rappeler aux patients que les démangeaisons peuvent persister plusieurs semaines après le traitement. Cela ne signifie pas que le traitement n’a pas été efficace. Il s’agit d’une réaction inflammatoire normale liée à la présence de débris parasitaires. |
Traitements de la gale
Traitement local (première intention)
La perméthrine 5 % crème (Topiscab®) est le traitement de première intention de la gale.
Elle s’applique le soir, sur tout le corps, du cou aux orteils, puis doit être rincée après 8 à 12 h. Chez le nourrisson, il faut inclure le cuir chevelu et les tempes, et bander les mains pour éviter une ingestion involontaire.
Le traitement est renouvelé entre J8 et J10 pour éliminer les larves restantes.
Les effets secondaires (sensation de fourmillement, de brûlure, picotements, érythème transitoire, sécheresse cutanée) sont bénins.
Alternatives locales :
En cas de contre-indication ou d’indisponibilité, on peut recourir au benzoate de benzyle (Ascabiol®) ou au soufre précipité.
Le traitement par benzoate de benzyle consiste en l’application de deux badigeons successifs à 24 h d’intervalle, rinçage après 24 h pour chaque application. Le renouvellement se fait aussi entre J8 et J15. Le nombre d’application ou la durée peut être adaptée au profil du malade (grossesse, nourrissons).
Le soufre précipité (formes magistrales) est utilisé en 2e ligne chez ceux qui ne peuvent pas être traités avec les traitements de première intention. Chez le jeune enfant, on évite les formules alcooliques irritantes.
Traitement oral
L’ivermectine (Stromectol et ses génériques) est le seul traitement par voie orale disponible. Elle est surtout prescrite pour traiter les formes profuses ou hyperkératosiques, la gale impétiginisée ou eczématisée, en cas d’échec ou de contre-indication au topique ou de risques de mauvaise observance.
La posologie habituelle est de 200 µg/kg en une prise unique à J0. Elle peut être renouvelée ou combinée à un traitement local dans les formes sévères.
Elle est prescrite chez l’adulte et l’enfant de plus de 15Kg, et contre-indiquée chez la femme enceinte, allaitante, et chez l’enfant de < 15 kg.
Elle se prend à jeun.
Formes particulières et situations cliniques :
Particularités : | Recommandations :
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Gale impétiginisée | Ajouter une antibiothérapie adaptée (Ex : pristinamycine/amoxicilline‑acide clavulanique selon contexte) + soins locaux.
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Gale eczématisée | Privilégier l’ivermectine + émollients ; corticoïdes topiques courts si eczéma marqué (après avoir débuté l’antiparasitaire).
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Gale hyperkératosique | Ivermectine itérative (J0, J7, J14 voire J21) + kératolytiques (urée/salicylique) + topique scabicide en association ; isolement renforcé.
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Grossesse | Perméthrine 5% en première intention, Ivermectine en 2e ligne selon le trimestre de grossesse, après évaluation de la balance bénéfices-risques.
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Allaitement | Ne pas nourrir le nourrisson au sein pendant la pose du topique. Tirer le lait et le jeter.
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Nourrisson ≥ 2 mois | Perméthrine possible. Proscrire les formules irritantes (alcool).
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Personnes âgées Immunodéprimés | Privilégier les schémas combinés. Surveillance rapprochée.
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Traitement de l’environnement
Le traitement de l’environnement fait partie du triptyque indispensable pour contenir la contamination.
Il consiste à laver la literie, le linge de maison et de toilette, les vêtements, et tout textile des 2-3 derniers jours à 60°C minimum.
Les textiles et objets non lavables doivent être mis dans des sacs plastiques fermés pendant 3 à 8 jours selon les formes de gale, et/ou désinfectés avec un acaricide homologué selon des protocoles précis, suivi d’une aération et/ou d’un lavage.
Les literies et canapés doivent être aspirés puis traités.
L’hygiène des mains doit être systématique pour l’entourage et les soignants.
Prévention, suivi et retour à la vie sociale
Éviction temporaire
L’éviction des crèches ou des établissements est déterminée médicalement ; en pratique, un retour est généralement possible 48 h après le début du traitement, sous réserve du respect des mesures d’hygiène et du traitement des contacts.
Suivi post-traitement
Les démangeaisons peuvent persister jusqu’à 4 semaines après la guérison. Leur incidence doit être mesurée lors du suivi. L’efficacité du protocole doit être évaluée, et questionnée en cas d’échec. Le suivi dermatologique est recommandé dans les formes graves.
Cas particuliers à connaître
Gale en milieu collectif
En milieu collectif, la gestion doit être coordonnée : signalement interne, puis déclaration obligatoire des cas groupés en collectivités à l’ARS, consultation médicale et traitement simultané des cas contacts, mise en place de protocoles de lavage du linge et de désinfection des locaux, information des familles et du personnel, limitation des visites et des contacts directs pendant 48h, désignation d’un référent et planification d’un suivi à J10–J15.
Gale chez personnes vulnérables
Chez les personnes vulnérables, la prise en charge doit être adaptée.
- Enfants : traitement adapté + suivi pédiatrique rapproché.
- Femmes enceintes : alternatives à la perméthrine à valider médicalement.
- Personnes âgées et immunodéprimées : isolement renforcé, et schémas combinés.
FAQ
Faut-il traiter toute la famille si un seul cas est confirmé ?
Oui. Même en l’absence de symptômes, tous les membres du foyer doivent être traités.
Est-ce que les démangeaisons indiquent un échec du traitement ?
Pas nécessairement. Elles peuvent persister plusieurs jours. Reconsulter si elles durent plus de 2 semaines.
Combien de temps l’acarien survit hors du corps ?
Jusqu’à 3 jours sur les tissus, 8 en cas de gale kératosique. D’où l’importance du traitement de l’environnement.
Peut-on traiter une femme enceinte ou allaitante ?
Oui : la perméthrine est sûre. L’ivermectine peut être envisagée en 2e ligne selon le trimestre. Chez la femme allaitante, éviter le contact direct entre peau traitée et nourrisson pendant l’application.
Comment gérer les récidives répétées ?
Rechercher un contact non traité, un traitement mal appliqué ou une décontamination insuffisante.
Pour conclure...
La gale est une maladie bénigne mais très contagieuse, qui doit donc être rapidement et collectivement prise en charge. Sa recrudescence en fait un véritable enjeu de santé publique.
En ville, la clé du succès réside moins dans le choix du scabicide que dans l’exécution rigoureuse du « triptyque » : traiter le patient, traiter tous les contacts, et traiter l’environnement, à une semaine d’intervalle.
Une information claire sur le prurit post‑thérapeutique et une vérification à J10/J15 réduisent considérablement les échecs, et suffisent généralement à stopper la chaine de transmission.
La vigilance et la réactivité du médecin généraliste restent la meilleure arme contre les flambées de gale.
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Sources :
Vidal : Qu’est-ce que la gale ? https://www.vidal.fr/maladies/peau-cheveux-ongles/gale.html
Ameli : La gale : symptômes, diagnostic et évolution
Sante.gouv : Conduite à tenir devant un ou plusieurs cas de gale
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