mélanome

Mélanome : Identifier, Dépister et Gérer ce Cancer de la Peau

L’essentiel en un coup d’œil :

  • Gravité et importance du dépistage : Le mélanome représente 10 % des cancers de la peau mais est le plus meurtrier en raison de son fort potentiel métastatique. Un dépistage précoce améliore significativement le pronostic.
  • Facteurs de risque principaux : Surexposition aux UV, peau claire, antécédents de coups de soleil, présence de nombreux grains de beauté, immunosuppression, et prédisposition familiale.
  • Règle ABCDE : Analyse des grains de beauté selon l’asymétrie, les bordures, la couleur, le diamètre (>6 mm) et l’évolution. Deux critères suspectés nécessitent un avis médical.
  • Rôle du médecin généraliste : Sensibilisation des patients, dépistage grâce à des examens cliniques minutieux, utilisation du dermatoscope, et orientation rapide vers un dermatologue en cas de doute.
  • Traitement et suivi : La chirurgie est la principale option, suivie de traitements complémentaires (immunothérapie, thérapies ciblées). Un suivi post-traitement régulier permet de prévenir les récidives.

Le saviez-vous ?

Le mélanome fait partie des deux grands types de cancers de la peau, le second étant le carcinome.

Aujourd’hui, nous évoquerons surtout le mélanome, plus rare puisqu’il représente 10% des cancers de la peau, mais aussi plus meurtrier, par son grand pouvoir métastatique.

En effet, il a causé 1 920 décès en 2021.

Et, en 2023, il touchait 9 109 hommes et 8 813 femmes, soit un total de 17 922 malades.

Face à ces chiffres alarmants, il est primordial de sensibiliser les populations à risque, et de le détecter précocement pour réagir avant qu’il se propage aux organes voisins. D’autant plus que, pris à temps, son pronostic et son taux de survie sont excellents.

En tant que médecin généraliste, votre rôle est primordial tant pour dépister ce cancer cutané que pour orienter et éduquer vos patients.

Alors après avoir redéfini le mélanome, nous aborderons votre rôle dans sa prise en charge.

Comprendre le mélanome :

Définition clinique :

Le mélanome est un cancer de la peau qui se développe à partir des mélanocytes.

Ces mélanocytes sont des cellules de la couche profonde de l‘épiderme. Ils synthétisent la mélanine, pigment colorant et protecteur de la peau.

Exposés à différents éléments comme les rayons UV, les mélanocytes se multiplient de façon anarchique, ce qui déclenche le mélanome.
Dans un premier temps, celui-ci se développe in situ, c’est à dire en surface. À ce stade, il est sans gravité.

Si le diagnostic n’est pas posé, les cellules cancéreuses atteignent les différentes couches de la peau. Dans ce cas, le mélanome est considéré comme invasif.


Les cellules cancéreuses migrent ensuite jusqu’aux ganglions lymphatiques de proximité, puis continuent de se propager par les voies lymphatiques et sanguines, jusqu’aux organes à distance comme les poumons, le cerveau, l’os ou encore le foie. On parle alors de métastases.

Dans 8 cas sur 10, le mélanome apparait spontanément sur une peau saine. Il ressemble alors à une tache pigmentée proche du grain de beauté.

Mais, il peut aussi se développer à partir d’un naevus qui « dégénère ».

Il peut siéger sur n’importe quelle partie du corps, y compris sur le cuir chevelu. On le trouve assez fréquemment sur le tronc chez l’homme, et sur les jambes chez la femme.

 

Les types de mélanomes et leurs spécificités :

On distingue quatre principaux types de mélanomes.

  • Le mélanome superficiel extensif se présente sous la forme d’une tache irrégulière brune ou noire qui change lentement sur une période d’un à cinq ans, puis rapidement.
  • Le mélanome de Dubreuilh est aussi appelé mélanome de type lentigo malin. Il se manifeste par l’apparition d’une tache brun foncé qui grandit petit à petit.
  • Le mélanome nodulaire est le type de mélanome dont la croissance est la plus rapide. Il se manifeste généralement sous la forme d’une surélévation de la peau de couleur foncée ou normale.
  • Le mélanome acrolentigineux, encore appelé mélanome des extrémités, apparaît habituellement sous la forme d’une lésion foncée plane puis sous forme de nodules. Il peut être confondu avec une verrue plantaire quand il est incolore, et retarder le diagnostic.

 

Pour les différencier, vous pouvez consulter le tableau suivant qui reprend leurs signes distinctifs respectifs : 

 

Évolution :

Caractéristi-ques :

Causes :

Localisation :

Mélanome superficiel extensif :

 

(60 à 70% des cas)

Extension horizontale en surface, puis en profondeur.

 

Évolution lente les 5 premières années, puis rapide ensuite.

 

 

Taches irrégulières brunes ou noires.

 

 

Antécédents de coups de soleil.

Cou

 

Tronc chez l’homme

 

Jambes chez la femme.

Mélanome de Dubreuilh :

 

(5 à 10% des cas)

Extension horizontale puis verticale.

 

Évolution lente.

 

Taches brunes, plus ou moins foncées, qui grossit lentement.

 

Touche surtout les personnes de plus de 50 ans.

 

 

Expositions répétées aux rayons UV.

 

Zones exposées au soleil : visage, cou, mains…

Mélanome nodulaire :

 

(Moins de 5% des cas).

 

Extension verticale, en profondeur, et rapide.

 

 

Surélévation de la peau de couleur foncée ou incolore.

 

Toutes les parties du corps, y compris celles non exposées au soleil.

 

Mélanome acro-lentigineux :

 

Extension horizontale sur plusieurs mois ou années, puis verticale, en profondeur.

 

Lésion foncée plane qui évolue en nodules.

 

Parfois incolore.

 

Touche surtout les peaux foncées.

 

N’est pas lié à une surexposition aux UV.

Paume des mains

 

Plante des pieds

 

Sous les ongles.

 

Facteurs de risque chez les patients :

Les principaux facteurs de risques sont :

  • La peau, les cheveux et les yeux clairs qui prédisposent aux coups de soleil.
  • Des antécédents de coups de soleil fréquents.
  • La présence de plus de 40 grains de beauté, ceux qui mesurent plus de 5mm de diamètre ou aux contours irréguliers.
  • Les taches de rousseur.
  • La prédisposition familia
  • La surexposition solaire importante et régulière, dès l’enfance, tout contexte confondu.
  • L’immunosuppression (qui favorise le mélanome).

 

La surexposition aux rayons UV naturels ou artificiels reste la principale cause de mélanome. Le risque est majoré en cas de brûlures causées par le soleil dans l’enfance.

L’antécédent personnel de mélanome est aussi à prendre en considération, un autre mélanome pouvant se développer sur une autre partie du corps ou à proximité du premier.

Une consultation médicale pour un dépistage cutané est alors indiquée.

À noter que les traumatismes répétés ne constituent pas un facteur de risque de dégénérescence d’un grain de beauté.

Les autres types de cancers de la peau :

Les autres cancers de la peau sont des carcinomes, qui se développent à partir d’autres cellules de l’épiderme : les kératinocytes. Ils représentent 90% des cancers cutanés.

On distingue :

  • Les carcinomes basocellulaires, les plus fréquents et les moins graves, qui évoluent lentement et localement, sans métastases à distance.

  • Les carcinomes épidermoïdes (anciennement carcinomes spinocellulaires), qui sont beaucoup plus rares et qui peuvent métastaser à distance, en l’absence de traitement. 

Signes et symptômes cliniques :

Règle ABCDE :

Cette règle consiste à analyser la forme de tout grain de beauté selon les 5 caractéristiques suivantes :

  • A : Asymétrie (ou symétrie).
  • B : Bordures (régulières, irrégulières).
  • C : Couleur (variable, incolore, noire…).
  • D : Diamètre (< ou > à 6 mm).
  • E : Évolution (vitesse de croissance, forme, couleur, extension, saignement, démangeaison, etc…).

 

La présence de deux de ces critères doit motiver un avis spécialisé, et la présence de trois critères impose généralement l’exérèse de la lésion.

Cette règle s’applique pour les grains de beauté plat.

Autres signes cliniques :

D’autres signes cliniques peuvent être observés comme :

  • Un prurit
  • Un saignement
  • Une ulcération
  • Des croûtes
  • Une absence de guérison de la lésion après 3 semaines.

 

Spécificités des localisations rares :

 L’inspection de la peau doit être minutieuse car certains mélanomes se développent sur des zones parfois cachées ou auxquelles on ne pense pas spontanément : sous les ongles (mélanomes sous-unguéaux), au niveau muqueux ou dans des zones difficiles d’accès comme le cuir chevelu.

À noter que l’âge médian au moment du diagnostic est de 68 ans chez les hommes et 62 ans chez les femmes, avec un taux de survie nette standardisée à 5 ans de 93%. D’où l’importance de le détecter précocement pour agir rapidement.

Dépistage du cancer : approche pratique pour les Généralistes

L’examen clinique :

L’interrogatoire doit être poussé afin de :

  • Recueillir toutes les données relatives à la lésion : apparition, évolution, symptômes associés, etc.
  • Évaluer les facteurs de risques et les antécédents.

 

Ensuite, vous procédez à l’examen complet et minutieux de tous les grains de beauté et lésions, y compris dans les zones les plus inattendues et inaccessibles.

Le dermatoscope est l’outil de référence pour repérer les signes d’alerte.

Il permet de visualiser les structures sous la surface de la peau, grâce à une lumière puissante capable de pénétrer dans les couches superficielles de la peau, et à son système de grossissement qui vous permet de voir les détails invisibles à l’œil nu.

 

Autosurveillance des patients :

 À l’issue de l’examen clinique, vous éduquez votre patient à l’autosurveillance mensuelle. Cette étape est nécessaire pour éviter l’aggravation des lésions.

Vous l’encouragez à consigner ses observations dans un cahier prévu à cet effet, pour faciliter le suivi.

medecin discute avec un patient

Fréquence des consultations de dépistage :

 La fréquence des consultations de dépistage varie en fonction du risque.

L’examen sera annuel chez les personnes à faible risque, la consultation de suivi sera trimestrielle ou semestrielle chez les patients à risque.

 

Outils modernes :

 Les différents dermatoscopes :

On retrouve essentiellement le dermatoscope :

  • Analogique, le plus classique,
  • Numérique, le plus populaire,
  • Connecté, le plus innovant.

 

Le dermatoscope analogique utilise une source de lumière traditionnelle et un grossissement optique pour l’examen de la peau. Il est facile à utiliser et son prix est accessible.

Le dermatoscope numérique est équipé d’une caméra numérique qui capture des images des lésions cutanées, qui peuvent être stockées dans le dossier numérique de votre patient, et des vidéos.

Il permet un suivi plus précis, dans le temps.

Il existe des dermatoscopes mobiles sous forme d’embout à fixer à la caméra de votre smartphone ou iPhone. Il vous permet de réaliser des photos et vidéos des lésions, directement à partir de votre téléphone.

Le dermatoscope connecté vous permet de capturer des images haute résolution et donc d’analyser rapidement et avec plus de précision les lésions. Il est associé à une application mobile et un logiciel spécialisé.

Il facilite le suivi des patients, la coordination et la référence avec le dermatologue, puisqu’il permet un partage en temps réel des images avec vos confrères spécialistes.

Le dermatoscope polarisé est équipé d’un filtre polarisant qui élimine les reflets de la surface de la peau, ce qui améliore la visibilité des structures sous la peau, et la netteté des images qu’il fournit

 

Les applications daide au diagnostic basées sur lintelligence artificielle :

Les plus utilisées et fiables sont :

  •  SkinVision : application mobile payante d’aide à l’évaluation de lésions suspectes.
  • MoleScope : application mobile et plateforme web qui traitent et stockent les images prises par un dermatoscope mobile relié à l’appareil photo de votre téléphone.

Gestion en cabinet : quand référer au dermatologue :

Indications pour une orientation rapide :

En cas de doute ou si votre patient présente des signes de malignité, des grains de beauté atypiques ou des lésions évolutives ou si les facteurs de risque se cumulent, vous devez orienter rapidement votre patient chez un confrère spécialisé ou chez un dermatologue.

Ce dernier ajustera la fréquence des consultations, si besoin.

Cette consultation s’ajoute à l’auto-examen mensuel.

 

Préparation avant la référence :

 Avant de solliciter votre collègue dermatologue, vous préparez tous les documents utiles au référement :

  • Recueil de données : description détaillée des lésions suspectes (taille, couleur, localisation, évolution, anamnèse.
  • Images réalisées avec le dermatoscope.
  • Examens complémentaires et traitements mis en place avec leur résultat.

Prévention et sensibilisation : éducation des Patients

Protection UV :

  • Crèmes solaires adaptées (SPF 30+), vêtements couvrants, lunettes de soleil.
  • Éviter les cabines de bronzage et l’exposition directe entre 10h et 16h.

 

Groupes à sensibiliser :

  • Parents pour protéger les enfants.
  • Populations âgées et patients immunodéprimés.

 

Ressources pour les médecins :

Pour vous aider, vous disposez entre autres des :

  • Campagnes nationales de prévention comme la Journée mondiale du mélanome, par exemple.
  • Flyers éducatifs que vous distribuez en consultation.

 

À noter que chaque année, le Syndicat national des dermatologues-vénérologues organise la « Semaine de prévention et de sensibilisation au dépistage des cancers de la peau », au printemps.

Prise en charge après un Diagnostic :

Étapes thérapeutiques :

Le traitement de première intention dans le mélanome est la chirurgie : l’exérèse de la lésion doit être complète avec une marge suffisante pour éviter la dissémination ou les récidives.

En fonction du type de mélanome, d’autres traitements pourront être indiqués comme :

  • L’immunothérapie localisée: Aldesleukine (Proleukin ou interleukine-2, IL-2), Diphénylcyclopropénone (DPCP) topique et Imiquimod (Aldara, Zyclara).

 

  • Les inhibiteurs de points de contrôle immunitairequi sont des anticorps monoclonaux. On retrouve le Nivolumab (Opdivo) et le Pembrolizumab (Keytruda), qui ciblent la protéine spécifique du point de contrôle PD1, mais aussi l’Ipilimumab (Yervoy), qui cible la protéine spécifique du point de contrôle CTLA4.

 

  • Les thérapies ciblées : mutation des gènes BRAF (V600E et V600K) et des gènes MEK et C-KIT.

 

  • La radiothérapie (externe ou stéréotaxique) et chimiothérapie (Dacarbazine, Carboplatine et Paclitaxel), dont les indications sont limitées.

 

Suivi post-traitement :

 Une fois le traitement terminé, vous programmez vos consultations de suivi, et réalisez idéalement la surveillance clinique et dermatologique, tous les 3 à 6 mois.

Cette prévention secondaire permet de détecter les récidives. Elle se fait en concertation avec le dermatologue référent.

L’accompagnement psychologique pour les patients et leur entourage est également très important.

 

Rôle des généralistes : 

En tant que médecin généraliste, vous intervenez en première ligne dans la détection du mélanome.

D’une part, parce que les patients sont habitués à se diriger vers vous en cas de problème de santé ; d’autre part, parce que pour être correctement pris en charge par les organismes d’assurance maladie, ils doivent respecter le parcours de soins.

Outre, votre rôle dans la sensibilisation et la prévention, votre position privilégiée est essentielle pour diagnostiquer avec précision la nature de la lésion suspecte ou diriger votre patient vers un dermatologue, pour un examen plus approfondi.

Enfin, vous assurez le suivi à distance de vos patients traités, en concertation et en collaboration avec l’équipe pluridisciplinaire élargie : dermatologue, oncologue, infirmier, psychologue…

Pour conclure...

Comme nous venons de le voir, le mélanome est un cancer de la peau qui peut vite disséminer, s’il n’est pas diagnostiqué précocement.

Pourtant, son pronostic est excellent quand il est détecté tôt et pris en charge rapidement.

En tant que médecin généraliste, vous pouvez vous investir dans cette mission d’utilité publique en participant à la sensibilisation et au dépistage de cette maladie qui tue encore plus de 1 900 personnes chaque année.

Si vous ne vous sentez pas suffisamment à l’aise avec les affections dermatologiques et leur approche diagnostique, vous pouvez compléter votre formation initiale avec des actions de DPC spécifiques.

Elles vous permettront d’intégrer le dépistage dans vos consultations, d’éduquer vos patients en toute confiance, et de référer efficacement avec vos confrères dermatologues, pour assurer un suivi optimal et sécurisé à vos patients.

Participez-vous déjà au dépistage des maladies de peau ?

Avez-vous des conseils à prodiguer à vos confrères, moins à l’aise les affections cutanées ?

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