L’essentiel en un coup d’œil :
Repérage précoce essentiel : Les premiers signes du trouble du spectre de l’autisme (TSA) apparaissent avant 2 ans, mais le diagnostic est souvent tardif. Or, une prise en charge précoce améliore nettement le développement de l’enfant.
Signes d’alerte en consultation : Manque de contact visuel, retard de langage, absence de réponse au prénom, comportements stéréotypés, rigidité, hypersensibilité sensorielle… Ces signes doivent inciter à une évaluation plus approfondie.
Outils de dépistage validés : Le M-CHAT-R/F (18-24 mois), les questionnaires Q-CHAT, ou les checklists simplifiées permettent d’orienter précocement sans poser de diagnostic.
Conduite à tenir claire : En cas de suspicion, le médecin oriente vers la PCO, un pédiatre spécialisé ou un CRA, tout en assurant un suivi actif et un soutien aux parents.
Impact du repérage précoce : Grâce à la plasticité cérébrale, une intervention rapide optimise les apprentissages, réduit les troubles associés et améliore les perspectives d’insertion.
Le saviez-vous ?
L’autisme, ou plus précisément le trouble du spectre de l’autisme (TSA), est un trouble du neurodéveloppement qui touche un enfant sur 100 en France. Un chiffre en constante progression grâce à une meilleure reconnaissance des signes cliniques et une meilleure sensibilisation.
Pourtant, si les premières manifestations apparaissent souvent avant l’âge de 2 ans, le diagnostic, lui, est généralement posé autour de l’âge de 4 à 6 ans. Loin des attentes.
La symptomatologie, qui varie d’un enfant à l’autre, rend son repérage complexe.
Et, c’est d’autant plus vrai au début quand les signes, atypiques ou discrets, s’installent insidieusement, passent inaperçus ou semblent normaux.
Or, plus le TSA est repéré tôt, plus la prise en charge est efficace, et moins il y a d’impact sur le développement, le fonctionnement, l’autonomie et l’insertion de l’enfant.
En tant que médecin généraliste, vous êtes aux premières loges pour suivre le développement neuromoteur, repérer les signes annonciateurs, orienter le jeune enfant vers les dispositifs adaptés, et soutenir les familles.
Alors, quels sont les premiers signes du TSA ?
Comment les identifier clairement ?
Et, comment accompagner les familles encore culpabilisées, mal informées et parfois désabusées par les rumeurs et les démarches à entreprendre ?
C’est ce que nous verrons ci-après.
Comprendre le trouble du spectre de l’autisme (TSA)
Définition clinique :
Le TSA est un trouble du neurodéveloppement caractérisé par :
- Des déficits persistants dans la communication sociale
- Et des comportements restreints et répétitifs.
La symptomatologie est large, complexe, et extrêmement variable.
Pour que le diagnostic de Trouble du Spectre de l’Autisme soit posé, plusieurs caractéristiques de la dyade autistique, telle qu’elle est définie par la 5e version du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5), doivent être présentes.
D’autres critères, tels que l’âge d’apparition, la fréquence et l’intensité des signes, doivent aussi être pris en compte dans l’évaluation.
Formes cliniques variées :
Il existe différentes formes de TSA. On peut le retrouver associé ou pas avec :
- Une déficience intellectuelle,
- Un retard global du développement,
- Un trouble du langage,
- Une ou plusieurs comorbidité(s): TDAH, autre trouble développemental, comportemental ou mental ; pathologie génétique ou médicale (épilepsie par exemple) ; troubles sensoriels, du sommeil, du comportement alimentaire, troubles anxieux, catatonie.
Étiologies :
Les causes du TSA sont multifactorielles, et combinent des facteurs génétiques, environnementaux et neurobiologiques.
Évolution :
Le TSA n’évolue pas de la même manière d’un enfant à l’autre.
En revanche, on sait que l’évolution du trouble est nettement améliorée par une prise en charge précoce. D’où la nécessité de le repérer dès les premiers signaux d’alerte.
On distingue 3 niveaux de sévérité :
À quel âge apparaissent les premiers signes ?
L’âge critique des premiers signes autistiques se situe généralement entre 12 et 24 mois, période où les signes deviennent plus évidents.
Mais, ils peuvent apparaître plus tôt, discrètement. On le soupçonne éventuellement face à l’absence de babillages ou de sourires, et en présence d’une fuite du contact visuel.
Parfois, le développement de l’enfant se déroule normalement. Et, ce n’est que plus tard, généralement vers l’âge de 18 mois, que ses comportements changent, que son langage et ses interactions sociales s’appauvrissent, et que le TSA peut être suspecté.
Signes d’alerte à repérer en consultation :
Les principaux signaux d’alerte sont :
Domaine de la communication sociale :
- Ne répond pas à son prénom.
- Peu de contact visuel, regard mécanique ou fuyant.
- N’initie pas d’interactions ou elles sont unilatérales, ne pointe pas du doigt les objets à distance à l’âge de 18 mois.
- Ne cherche pas à partager son intérêt (pas de jeu du coucou, pas d’attention conjointe, pas de sourire « social »).
Langage et communication verbale :
- Retard de babillages > 12 mois.
- Peu ou pas de mots à 18 mois (< 10 mots).
- Utilisation atypique du langage : écholalie, intonation robotique.
Comportements stéréotypés et intérêts restreints
- Mouvements répétitifs et stéréotypés (balancement, flapping).
- Intérêts inhabituels pour des objets (roues, interrupteurs).
- Intolérance au changement, rigidité, routines strictes, rituels.
Réactivité sensorielle :
- Réactions excessives ou absentes aux stimulations environnementales (bruit, lumière, toucher).
- Intérêts sensoriels inhabituels, ciblés et non partagés : fascination pour les lumières, les reflets, les sons répétitifs.
L’enfant autiste comprend mal les intentions, les émotions et la pensée des autres. Ses interactions sociales, atypiques, souvent maladroites et déroutantes, compliquent les échanges.
Exemple de cas en consultation : Enfant de 2 ans, ne parle pas, ne regarde pas le médecin, joue seul, crie lorsqu’on change sa routine → quels réflexes diagnostiques ?
Démarche clinique et outils de dépistage :
La consultation :
Elle doit inclure :
Un entretien avec les parents : pour recueillir les antécédents, les facteurs de risque, les signes d’alerte, et plus largement leurs inquiétudes face aux comportements de leur enfant. Soutenir les parents et valoriser leurs observations permet aussi de les inclure dans la prise en charge.
L’observation directe de l’enfant : comportement, interaction, langage, développement moteur…
Le dépistage est basé sur la comparaison des comportements de l’enfant avec les repères neurodéveloppementaux classiques et reconnus.
Les outils validés utilisables en MG :
- Le M-CHAT-R/F (Modified Check-List for Autism in Toddlers) est un questionnaire de dépistage simple et rapide qui permet d’évaluer les enfants âgés de 18 à 24 mois. Plus précisément, 20 questions sont posées aux parents au sujet du comportement de leur enfant. Un score ≥ 3 nécessite une évaluation plus approfondie. C’est le test le plus utilisé.
- Le Questionnaire Q-CHAT est la version quantitative du CHAT.
- Les check-lists simplifiées issues des CRA ou de l’HAS par exemple.
Ces outils permettent d’identifier les signes d’alerte et les enfants à risque.
Les bilans diagnostiques complémentaires seront effectués dans un second temps.
À noter que le dépistage n’est pas une démarche diagnostique mais un repérage qui permet d’orienter rapidement l’enfant vers le spécialiste approprié pour un bilan plus approfondi des troubles.
Conduite à tenir en cas de suspicion de TSA :
En tant que médecin généraliste, vous êtes l’interlocuteur privilégié des familles.
Votre rôle est donc crucial dans le repérage, l’orientation et la coordination du parcours de soins des enfants à risque.
La conduite à tenir devant une suspicion de TSA est la suivante :
Écoute et réassurance des parents :
Elle permet de soutenir et de guider les parents dans le long parcours qui les attend.
Orienter :
Une fois l’enfant à risque détecté, ou en cas de doute au sujet des troubles, vous orientez les familles vers :
- Une Plateforme de Coordination et d’Orientation (PCO) – pour les enfants de 0 à 6 ans.
- Un médecin de PMI ou un pédiatre spécialisé.
- Un Centre Ressources Autisme (CRA) pour une évaluation multidisciplinaire.
Maintenir le lien :
Parfois, les délais pour obtenir un rendez-vous spécialisé peuvent être longs, ou sembler longs pour des parents inquiets. Le maintien du lien avec les familles durant ce laps de temps augmente les chances de réussite de la prise en charge.
Mettre en place un suivi actif :
Enfin, le suivi actif du développement de l’enfant est tout aussi important.
Il permet de surveiller et de documenter l’évolution des signes, d’évaluer la prise en charge et de la réadapter en cas de besoin.
La clé de la réussite de ce type de prise en charge réside dans le repérage, mais aussi dans la coordination du parcours de soins, notamment les premiers temps, et le maintien du suivi médical le temps que les tests et bilans complémentaires soient réalisés.
Pourquoi le repérage précoce change tout ?
La neuroplasticité du cerveau des enfants est maximale avant l’âge de 6 ans.
Agir tôt, c’est donc optimiser les réponses aux interventions comportementales mises en œuvre.
Une prise en charge précoce permet :
- D’améliorer la communication, l’autonomie et les apprentissages.
- De limiter l’apparition de troubles secondaires : troubles du comportement, isolement, opposition, anxiété, échec scolaire…
- De réduire le stress parental et de renforcer la cohésion familiale.
- D’optimiser les chances d’insertion sociale, scolaire, et plus tard, professionnelle.
Accompagner les familles au quotidien :
Comment aborder le sujet en consultation :
Aborder le trouble du spectre de l’autisme en consultation de médecine générale n’est pas simple. Les familles sont souvent dépassées par l’annonce, et perdues dans les démarches à entreprendre.
Votre rôle est d’informer les parents, d’utiliser des mots clairs et non stigmatisants pour parler du TSA, mais aussi d’expliquer que le dépistage précoce donne plus de chance à l’enfant de maintenir les acquis, de développer de nouveaux comportements, de nouvelles interactions, et de s’insérer.
Il ne faut ni rassurer à tort ni alarmer inutilement.
Éducation thérapeutique des parents :
Le rôle de l’éducation thérapeutique dans l’accompagnement de l’enfant à risque est central.
Cela passe par la sensibilisation des parents aux troubles. Pour qu’ils les comprennent mieux. Pour qu’ils mesurent les enjeux de ce nouveau rôle qu’ils doivent endosser.
Leur proposer des ressources fiables permet de mieux les préparer.
Alors, n’hésitez pas à leur fournir des livrets de repérage ou à leur communiquer les coordonnées des sites dédiés au TSA : CRA, GNCRA, Autisme Info Service…
Faciliter l’accès aux structures :
Enfin, accompagner les familles dans leurs démarches médico-sociales est indispensable.
Pensez à les guider vers les dispositifs adaptés à leur situation :
- MDPH pour évaluer les droits et les aides possibles,
- CAF pour les prestations sociales,
- CAMSP, CMPP pour les premières prises en charge,
- CRA pour les bilans diagnostiques.
Un accompagnement administratif, même minime, peut tout changer pour ces familles souvent dépassées par la complexité des démarches à entreprendre.
Pour conclure...
En tant que médecin généraliste, vous êtes souvent le premier à repérer les signaux d’alerte, les facteurs de risque, les maladies émergentes.
Et, c’est aussi vrai pour les troubles du spectre de l’autisme.
Votre rôle dans son repérage est même capital.
Repérer tôt, orienter vite, soutenir avec empathie : c’est ce qui permet à l’enfant neurodivergent de bénéficier d’un programme de soins adapté et d’optimiser ses chances d’épanouissement et d’inclusion.
Votre regard, vos mots, vos décisions : tout a son importance.
Alors, face à un signe suspect, un comportement atypique, ne laissez pas le doute s’installer et orientez rapidement les familles vers les structures partenaires pour un bilan approfondi.
Et, surtout, collaborez, coordonnez, partagez, réévaluez, soutenez, accompagnez, sensibilisez et informez : chacune de vos actions permet à l’enfant de vivre le mieux possible avec son trouble, et aux familles de souffler.
Lors de vos consultations, quels signes vous alertent le plus souvent dans le repérage des troubles du spectre de l’autisme ?
Rencontrez-vous des difficultés pour orienter les familles ou accéder à un diagnostic spécialisé ?
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