L’essentiel en un coup d’œil :
Trouble neurodéveloppemental fréquent et pluriel : L’autisme touche 1 enfant sur 100 en France. Les TSA regroupent des profils cliniques variés, du syndrome d’Asperger aux formes sévères, avec ou sans déficience intellectuelle.
Origine multifactorielle : L’autisme résulte d’une interaction complexe entre facteurs génétiques (variants, mutations de novo, anomalies comme le syndrome de l’X fragile) et facteurs environnementaux précoces (âge parental, valproate…).
Idées reçues écartées : Aucun lien démontré entre autisme et vaccins, alimentation, ou comportement parental. La « mère froide » ou le vaccin ROR sont des hypothèses obsolètes.
Signes d’alerte à repérer tôt : Retard de langage, absence de pointage ou de babillage, comportements répétitifs, rituels rigides, hypersensibilité sensorielle, régression après 18 mois.
Rôle clé du généraliste : Suivi du développement, repérage précoce, orientation vers les CRA ou plateformes TSA-TND, accompagnement des familles et lutte contre la stigmatisation.
Le saviez-vous ?
L’autisme est un trouble du neurodéveloppement (TND) dont les premiers signes apparaissent généralement avant l’âge de 3 ans.
Parce qu’il regroupe un large spectre de caractéristiques, qui varient d’une personne à l’autre, on utilise aujourd’hui la terminologie de Trouble du Spectre de l’Autisme (TSA) plutôt que d’autisme.
Le TSA regroupe différents troubles du développement, plus ou moins envahissants, et plus ou moins visibles, dont le syndrome d’Asperger, le trouble désintégratif de l’enfance, le trouble envahissant du développement non spécifié, et bien sûr, le trouble autistique classique.
En France, plus de 700 000 personnes vivent avec un TSA, 100 000 ont moins de 20 ans. Les troubles du neurodéveloppement concernent 120 000 naissances chaque année (dont 15 000 sont concernées par l’autisme).
Si certains TSA ont une cause génétique confirmée, on sait aussi que la maladie est multifactorielle, et que certaines causes, autrefois incriminées dans leur survenue, ont été écartées : vaccination, maladie cœliaque, sels de mercure, mère trop froide ou trop possessive…
Mais les idées reçues ont la vie dure, et quand elles persistent et qu’elles continuent de semer la confusion, elles retardent le repérage, l’orientation et la prise en charge des TSA, compliquant un diagnostic déjà difficile à poser en raison de la multitude de signes qui caractérise ce trouble neurodéveloppemental.
C’est alors à vous, en tant que médecin généraliste, souvent en première ligne pour faire face aux inquiétudes des parents, qu’il appartient de briser ces fausses croyances, d’orienter précocement, et d’accompagner et rassurer ces familles sans les culpabiliser.
Alors, quelles sont les causes de l’autisme ? Comment repérer les signes du TSA et comment accompagner l’enfant neurodivergent et sa famille ?
C’est ce que nous verrons ci-après.
Définition du trouble du spectre de l’autisme :
L’autisme est un trouble neurodéveloppemental.
Il fait partie des troubles du spectre autistique.
Le terme de « spectre » fait référence à la grande variabilité des profils cliniques, impactant plus ou moins l’autonomie de la personne (autonomie complète => besoin de soutien constant).
Le TSA n’est pas une maladie, mais un trouble. Il ne se soigne donc pas.
Il se caractérise par :
- Des troubles des interactions sociales.
- Des troubles de la communication verbale et non verbale.
- Des comportements stéréotypés et répétitifs.
Le diagnostic clinique se fait sur la base des critères DSM-5, à partir de l’apparition des signes dès la petite enfance.
Signes d’alerte à rechercher en consultation :
En règle générale, les symptômes apparaissent avant l’âge de 3 ans, et sont permanents.
Parmi les signes d’alerte les plus fréquemment rencontrés, on retrouve :
- L’absence de pointage ou de babillage à l’âge de 12 mois.
- Le retard de langage.
- Les réactions atypiques aux stimuli sensoriels.
- Les mouvements répétitifs (torsions des mains, balancements du corps).
- Les rituels inflexibles.
- Le retrait relationnel, le repli sur soi, la fuite du regard, une attention fugace.
- La régression des acquis après l’âge de 18 mois.
Pour en savoir plus, vous pouvez consulter notre article dédié aux signes d’alertes de l’autisme.
Causes de l’autisme : que sait-on aujourd’hui ?
Aucune cause unique n’explique à elle seule l’ensemble des TSA.
Ils se déclarent essentiellement chez des personnes génétiquement prédisposées après une exposition à un ou plusieurs facteurs environnementaux encore inconnus.
Les troubles du spectre autistique sont donc multifactoriels et résultent d’une interaction complexe entre des facteurs génétiques et environnementaux.
Rôle des facteurs génétiques :
Les anomalies génétiques :
Il n’y a pas de gène spécifique à l’autisme.
Si dans 20 à 30% des cas, l’autisme est associé à un gène connu, il peut aussi arriver que les signes observés chez l’enfant autiste soient reliés à une combinaison de plusieurs gènes, qui pris isolément n’aurait eu aucune incidence.
Plus la recherche avance, plus le nombre de gènes découverts augmente.
Ces gènes peuvent avoir un lien direct avec l’autisme ou indirect via des symptômes associés comme la déficience intellectuelle.
À l’heure actuelle, on estime que plus de 140 gènes prédisposeraient au TSA.
Mais, si ces « variants génétiques » augmentent le risque de développer le trouble chez les enfants qui les portent, ils ne suffisent pas à l’expliquer, certains porteurs ne développant jamais le TSA, et certains autistes, n’étant pas porteurs de variants.
En revanche, on sait que les variants de prédisposition influent sur le fonctionnement du système nerveux en modulant la formation des synapses (synaptogenèse) et la régulation des gènes.
Les principales anomalies génétiques connues sont :
- Le syndrome de l’X fragile: il s’agit de la première cause monogénique de TSA. On y retrouve des anomalies de la protéine FMRP, qui intervient dans le développement neuronal et la régulation de l’expression des gènes associés à la synapse. Un déficit en FMRP affecte la plasticité synaptique, qui joue un rôle crucial dans l’apprentissage et la mémoire.
- Les délétions 22q11, 16p11.2 …
- Les anomalies « de novo » chez les enfants sans antécédents familiaux. Ces mutations génétiques non héritées apparaissent spontanément. Elles concernent 10 à 20% des personnes qui vivent avec un TSA.
L’héritabilité :
La composante génétique est reconnue, notamment depuis que la concordance de la maladie a été retrouvée chez les jumeaux monozygotes.
En effet, le risque que le frère jumeau d’un enfant atteint de TSA développe lui aussi le trouble est estimé à 98%. Ce risque passe à 50% chez les jumeaux hétérozygotes.
La part de l’héritabilité des gènes responsables du TSA se situerait entre 60 et 80 %, en fonction des études.
Données neurobiologiques actuelles :
Plusieurs pistes continuent d’être explorées.
Les études actuelles portent sur le lien entre le TSA et différentes anomalies neurobiologiques.
Les liens étudiés impliquent :
- Des troubles du développement cérébral prénatal (une croissance excessive du cerveau embryonnaire pèserait sur la sévérité de l’autisme).
- Des anomalies de la connectivité cérébrale (hyper ou hypo-connectivité selon les régions).
- Un volume ou une organisation atypiques de certaines structures (amygdale, cortex préfrontal, cervelet).
- Une activité cérébrale atypique lors de tâches sociales (IRM fonctionnelle).
- Un déficit en mélatonine d’origine génétique (mélatonine qui intervient dans la régulation des rythmes biologiques, et notamment le sommeil).
Focus sur le gène CHD8 :
Le gène CHD8 est l’un des principaux gènes de prédisposition aux TSA.
Il est considéré comme à haut risque.
La protéine qu’il code, joue un rôle prépondérant dans la différenciation des oligodendrocytes.
Les oligodendrocytes interviennent dans la myélinisation, qui facilite le passage du message nerveux, et dans l’apport d’énergie aux neurones.
Les mutations du CHD8 sont souvent de novo.
Facteurs environnementaux : prudence dans l’interprétation
Il est admis que l’autisme est dû à des interactions complexes entre les facteurs génétiques, les principaux responsables, et des facteurs environnementaux, qui agissent comme des modulateurs. Ils sont néanmoins à interpréter avec prudence.
Facteurs associés (modulateurs de risque) :
Les principaux facteurs associés aux TSA sont :
- L’âge avancé des parents au moment de la conception : le risque est multiplié par 1,3 si la mère a plus de 35 ans et par 1,4 si le père a plus de 40 ans (risque encore augmenté quand il approche la cinquantaine). Le grand écart d’âge entre les parents, dans un sens comme dans l’autre, augmenterait également ce risque.
- La prématurité et le faible poids de naissance.
- Les infections maternelles sévères pendant la grossesse.
- L’exposition prénatale à certaines substances: par exemple, la prise d’acide valproïque (ou valproate), notamment au cours des 2e et 3e trimestres de grossesse, multiplie par 3 le risque de développer un TSA chez l’enfant à naître.
- Les complications périnatales : souffrance fœtale aiguë, hypoxie.
À noter : Le rôle de l’exposition à certains antidépresseurs ISRS (Paroxétine, Fluoxétine, Sertraline, Citalopram, Escitalopram, Fluvoxamine), pendant la grossesse est encore en débat. À l’heure actuelle, rien n’exclut son implication dans les TSA.
Facteurs non démontrés ou erronés :
En revanche, certains facteurs de risque autrefois mis en cause dans la survenue des TSA, ont depuis été écartés. Parmi ceux-ci, on retrouve :
- Les vaccins, et notamment celui contre le ROR. Aucun lien n’a été démontré entre les vaccins et l’autisme : les théories avancées à l’époque sont considérées comme une fraude scientifique dénoncée depuis 2010.
- La carence affective : la théorie dépassée et infondée de la « mère froide » à l’égard de son enfant a été abandonnée depuis les années 1970.
3 idées reçues sur l’autisme – déconstruites par les données scientifiques :
Hétérogénéité et comorbidités associées :
L’expression des troubles est variable selon le sexe, l’âge et le niveau cognitif.
Les garçons sont beaucoup plus touchés par les TSA, et les filles ont tendance à développer des formes plus discrètes.
Le trouble du spectre autistique est fréquemment associé à d’autres troubles, tels que :
- Le TDAH (30 à 60 %)
- Les troubles anxieux
- L’épilepsie (jusqu’à 30 %)
- Les troubles du sommeil
- Les troubles sensoriels.
Ils aggravent l’impact fonctionnel du TND.
Orientation et rôle du médecin généraliste :
Parce qu’il est multifactoriel et complexe, le TSA est difficile à diagnostiquer.
Or, le repérage précoce des signes d’alerte est essentiel pour limiter l’impact fonctionnel du trouble sur votre petit patient. Plus le diagnostic est posé tôt, meilleur est le pronostic fonctionnel.
Les bilans de développement, que vous réalisez à chaque étape de la croissance de l’enfant, sont déterminants pour une orientation rapide vers un spécialiste, et une prise en charge adaptée.
En première intention, l’orientation se fait vers un pédiatre, un pédopsychiatre, une PMI, un orthophoniste, un psychomotricien, un CMP.
Pour un diagnostic formel, une consultation spécialisée ou une orientation vers un Centre Ressources Autisme (CRA), qui dispose d’une équipe pluridisciplinaire, peuvent être nécessaires.
Vous pouvez également travailler en réseau avec les structures locales, et notamment les plateformes de coordination et d’orientation TSA-TND (<7 ans), qui diagnostiquent précocement les TSA et participent activement à la coordination du parcours de soins.
La liste des centres est disponible sur le site handicap.gouv.fr.
Communication avec les familles :
Une communication bienveillante est également cruciale pour rétablir la confiance, et lutter contre les fausses croyances.
L’écoute des familles, sans jugement ni culpabilisation, la valorisation de leur implication et de leurs observations permettent aussi de les rassurer sur leur parentalité et l’accompagnement qu’elles apportent à leur enfant neuroatypique.
Enfin, ne cherchez pas à donner une cause unique aux troubles neurodéveloppementaux de l’enfant, même si cette option semble rassurante.
En revanche, expliquez aux parents l’intérêt des évaluations multidisciplinaires, recommandez-leur des sources fiables et actualisées comme les sites autisme.gouv.fr, maisondelautisme.gouv.fr, ou celui de l‘Inserm, et dirigez-les vers les CRA ou les associations locales.
Pour conclure...
Nous l’avons vu, l’autisme est un trouble du neurodéveloppement à forte composante génétique, modifiée par des facteurs environnementaux précoces.
La variabilité des troubles et le nombre de gènes impliqués ne simplifient pas le diagnostic, surtout quand les poncifs au sujet des TSA demeurent, et qu’ils vous font perdre un temps médical précieux.
Si repérer précocement les signes, orienter votre petit patient vers les spécialistes et accompagner les familles vers les ressources adaptées permet une meilleure prise en charge, votre rôle ne s’arrête pas là.
En effet, le défi le plus difficile à relever reste encore sans doute de rétablir la relation de confiance avec des parents, longtemps pointés du doigt et accusés à tort d’être responsables des troubles de leur enfant.
Alors, pour aider ces familles à accompagner leur enfant neurodivergent, et les soutenir dans une démarche bienveillante, n’hésitez pas à vous informer, à vous former, et à collaborer avec les équipes pluridisciplinaires spécialisées.
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