comorbidités et autisme

Comorbidités et Autisme : Quels Troubles Associés et Comment Les Prendre en Charge ?

L’essentiel en un coup d’œil :

  • Fréquence élevée : >7/10 des personnes autistes présentent ≥1 comorbidité (souvent multiples) — psychiatriques, neurologiques/développementales et somatiques.

  • Repérage exigeant : distinguer symptômes du TSA et comorbidités (ex. dépression vs repli social) via anamnèse, échelles ciblées, observation fonctionnelle et diagnostic différentiel pluridisciplinaire.

  • Comorbidités majeures : anxiété, dépression (risque suicidaire accru), TDAH (chevauchement fréquent), troubles du sommeil (jusqu’à 8/10), épilepsie (~1/3), troubles moteurs/dyspraxie, GI, allergies/immunité, TCA/obésité.

  • Impact fort : altération autonomie/scolarité/socialisation, épuisement familial ; nécessité d’une coordination par le médecin généraliste (orientation vers psychiatre, neuro, orthophonie, psychomotricité…).

  • Prise en charge personnalisée : approches non médicamenteuses (TCC, interventions éducatives, routines sommeil, soutien familial/scolaire), traitements médicamenteux avec prudence ; tenir compte des âges (enfant/ado : anxiété, sommeil, TDAH) et du genre (chez les femmes : TCA, anxiété, masquage → sous-diagnostic).

Le saviez-vous ?

Si lorsqu’on évoque le trouble du spectre de l’autisme (TSA), on pense souvent aux difficultés d’interaction sociale, aux particularités de communication ou aux comportements répétitifs et restreints, il ne se limite pas à ces caractéristiques.

La réalité clinique est plus complexe puisque plus de 7 autistes sur 10 présenteraient une ou plusieurs comorbidités.

Ces troubles associés – psychiatriques, neurologiques, génétiques, somatiques – influencent directement le parcours de soins, la qualité de vie, et parfois l’espérance de vie.

Les identifier et les prendre en charge n’est pas simple. Et c’est à vous qu’il incombe de repérer non seulement l’autisme mais aussi les comorbidités associées, pour les traiter efficacement, prévenir les complications et assurer la coordination du parcours de soins.

Alors, quelles sont les principales comorbidités, comment les repérer et les prendre en charge efficacement ? C’est ce que nous verrons ensemble.

Qu’est-ce qu’une comorbidité ?

Définition d’une comorbidité

Une comorbidité désigne un trouble médical ou psychologique qui survient en parallèle d’un diagnostic principal, ici le TSA.

Elle peut modifier la présentation clinique, compliquer le diagnostic initial et influencer fortement la prise en charge.

Par exemple, un enfant présentant à la fois un TSA et un trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) pourra voir ses difficultés attentionnelles occulter les particularités autistiques.

Plus de la moitié des autistes cumulerait au moins quatre pathologies médicales associées.


Comorbidités vs symptômes du TSA

Il est essentiel de distinguer ce qui relève du TSA de ce qui correspond à une comorbidité. Par exemple, une dépression peut être confondue avec un simple repli social.

Ces confusions entraînent erreurs diagnostiques et retards de prise en charge, et impactent parfois lourdement la vie des personnes autistes.

Les principales comorbidités associées à l’autisme

Les troubles du sommeil, de l’alimentation, moteurs et psychiatriques sont les principales comorbidités liées à l’autisme.


Comorbidités psychiatriques

En psychiatrie, on évoquera les comorbidités quand un seul trouble ne suffit pas à expliquer la symptomatologie.

 

  1. Troubles anxieux

Les troubles anxieux (anxiété généralisée, phobies, TOC) figurent parmi les comorbidités les plus fréquemment rencontrées.

Ils sont souvent causés par la difficulté qu’a l’autiste de comprendre l’environnement dans lequel il vit.

Les troubles anxieux se traduisent par une peur de ne pas faire la bonne chose au bon moment, des crises de panique, des comportements d’évitement ou une rigidité comportementale accrue, notamment chez les non-oralisants.

 

  1. Dépression

Le diagnostic de dépression est 3 fois plus élevé que dans la population générale.

Elle touche de nombreux adolescents et environ un adulte sur cinq.

Ce chiffre est sans doute sous-estimé, les outils habituellement utilisés pour diagnostiquer la dépression n’étant pas toujours pertinents pour évaluer la population autistique.

Les symptômes sont souvent masqués ou confondus avec les traits autistiques : retrait social, alexithymie —difficulté à identifier et exprimer ses émotions— troubles du sommeil, absence de contact visuel…

Or, elle est d’autant plus importante à déceler qu’elle peut conduire au suicide, lui aussi plus fréquent que dans la population générale.

 

  1. TDAH (trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité)

L’association TDAH/TSA impacte la concentration, l’impulsivité et l’organisation.

On estime que 30 à 80 % des enfants autistes répondraient aux critères du TDAH, et inversement, 20 à 50 % des enfants avec un TDAH seraient autistes.

Ce chevauchement amène les scientifiques à reconsidérer la relation entre ces deux troubles et à rechercher des causes biologiques communes.

Enfin, 25 à 75 % des enfants autistes présenteraient des troubles de l’apprentissage —que l’on retrouve sous les différentes formes de DYS.

 

  1. Trouble bipolaire / schizophrénie

Plus rares, les troubles bipolaires et la schizophrénie imposent une vigilance particulière en raison de leurs chevauchements symptomatiques.

Le diagnostic différentiel est plus que jamais essentiel pour éviter tout retard dans la prise en charge.

D’autres comorbidités psychiatriques existent et sont à rechercher : comportement d’opposition, troubles des conduites, trouble de l’attention, tics, trichotillomanie, énurésie, encoprésie…

 

Comorbidités neurologiques et développementales 

  1. Épilepsie

Environ un autiste sur trois souffrirait d’épilepsie, et les épileptiques seraient 8 fois plus prédisposés à l’autisme que la moyenne générale.

Les crises d’épilepsie peuvent être présentes dès la petite enfance ou survenir à la puberté. Elles sont parfois atypiques et donc très difficiles à identifier.

Si le lien entre autisme et épilepsie est en partie attribué à une origine génétique, il est aussi admis que les crises précoces pourraient influer sur certaines caractéristiques de l’autisme.

 

  1. Troubles du sommeil

Les troubles du sommeil (difficultés d’endormissement, réveils précoces ou nocturnes, rythmes décalés, cauchemars, apnée du sommeil) concerneraient jusqu’à 8 enfants autistes sur 10, soit deux fois plus que la population générale.

Par ailleurs, les troubles du sommeil ont tendance à amplifier certains traits autistiques comme l’autostimulation, et les troubles du comportement comme l’anxiété.

Le manque de sommeil a aussi des conséquences directes sur les capacités sociales : augmentation des comportements stéréotypés, baisse des performances aux tests d’intelligence (cognition), majoration des difficultés de concentration …

Un déficit du système sensoriel ou certaines comorbidités telles que l’anxiété, le TDAH ou les troubles gastro-intestinaux peuvent également être à l’origine d’un sommeil perturbé.

Il est essentiel de les intégrer dans l’anamnèse.

 

  1. Troubles moteurs ou dyspraxie

Les troubles moteurs et de la coordination peuvent prendre plusieurs formes : difficultés à synchroniser les mouvements des jambes et des bras, retard d’acquisition de la marche, troubles de l’équilibre, mouvements involontaires, tics, difficultés à situer son corps dans l’espace, à lacer ses chaussures, à s’habiller, à écrire, à utiliser ses couverts…

Ils compliquent les gestes du quotidien souvent au prix d’une grande fatigue, et bien qu’ils soient fréquents, ils restent sous-diagnostiqués.

 

Comorbidités somatiques

  1. Troubles gastro-intestinaux

Constipation chronique, diarrhée, douleurs abdominales, RGO, les troubles gastro-intestinaux sont fréquemment associés au TSA, et souvent liés à une alimentation sélective ou au stress.

Certains signes au moment des repas vous permettent de les repérer facilement : troubles du comportement pendant ou après le repas, agressivité, automutilation, pression sur l’abdomen avec les mains ou contre un meuble, tapotement sur la gorge ou le thorax…

 

  1. Allergies, troubles immunitaires, problèmes dermatologiques

Les troubles gastro-intestinaux peuvent aussi être induits par une inflammation sous-jacente provoquée par un système immunitaire plus actif que la normale — les enfants autistes sont beaucoup plus susceptibles que les autres de développer des maladies inflammatoires de l’intestin (maladie de Crohn, colite ulcéreuse), des troubles immunitaires et des problèmes dermatologiques.

 

Depuis plusieurs années, un lien entre un déséquilibre du microbiote intestinal et le TSA est évoqué et étudié.

 

  1. Obésité ou troubles de l’alimentation

Enfin, l’obésité et les troubles de l’alimentation, souvent liés à la sélectivité alimentaire, à la modification des perceptions sensorielles, à la sédentarité ou aux traitements médicamenteux, aggravent encore la situation.

En effet, les comportements alimentaires atypiques seraient retrouvés chez 70 % des enfants autistes, soit 15 fois plus que chez les enfants neurotypiques.

Ils peuvent débuter précocement avec une difficulté de succion dès la petite enfance.

Les autistes sont également plus réticents aux changements : de couleur et de goût des aliments, de mode de cuisson ou de textures — liquide/mouliné/solide—.

 

L’autisme peut aussi être associé à une maladie génétique comme le syndrome de l’X fragile, la sclérose tubéreuse de Bourneville ou le syndrome de Rett.

 

L’impact des comorbidités sur la qualité de vie et le parcours de soins

Influence sur le parcours de soins

Les comorbidités compliquent la lecture clinique et nécessitent une approche coordonnée. En effet, elles diluent les priorités et nécessitent d’impliquer différents intervenants pour gérer efficacement les troubles.

Et, c’est à vous, médecin généraliste, qu’il incombe de repérer ces comorbidités, d’orienter vos patients vers les spécialistes adaptés (psychiatre, neurologue, pédiatre, orthophoniste, psychomotricien), et d’assurer la cohérence du suivi.

 

Impact sur la qualité de vie

Les comorbidités limitent l’autonomie, la scolarité, l’intégration sociale et l’épanouissement personnel.

Une anxiété non traitée peut isoler, un trouble du sommeil perturber les apprentissages, une dépression alourdir le quotidien.

Les familles subissent elles aussi les répercussions, souvent au prix d’un épuisement.

Particularités des comorbidités selon l'âge et le genre

Comorbidités chez les enfants et adolescents

Chez l’enfant et l’adolescent, les troubles anxieux, du sommeil et le TDAH sont très fréquents. Un dépistage précoce conditionne une meilleure évolution, et prévient le risque suicidaire chez une population fragilisée par le TSA et les comorbidités, et est pourtant souvent harcelée dans un lieu supposé protéger : l’école —qui reste malgré tout un des premiers lieux d’alerte.

 

Comorbidités chez les femmes autistes

À l’inverse des hommes, qui sont plus touchés par des comorbidités psychiatriques externalisées (TDAH, TOP, TOC) qui influencent les valeurs et le système de fonctionnement interne, les femmes, elles, sont davantage impactées par des comorbidités psychiatriques plus internalisées, qui auront des conséquences sur leur environnement.

Ainsi, elles rapportent davantage de troubles du comportement alimentaire, d’anxiété et de fatigue chronique.

Par ailleurs, le masquage social, très fréquent chez elles, conduit à un sous-diagnostic du TSA et des troubles associés. La sensibilisation des professionnels au phénotype féminin est donc capitale.

 

Le besoin de contrôler l’anxiété peut induire des troubles du comportement alimentaire. Il est impératif d’établir un différentiel en présence d’une anorexie.

 

Comorbidités chez les adultes

À l’âge adulte, les risques de dépression, de troubles bipolaires et de pathologies chroniques comme l’épilepsie ou les troubles du sommeil sont souvent majorés.

Ils pèsent sur la qualité de vie, et associés à des difficultés d’accès aux soins spécialisés, ils renforcent les risques d’isolement et de précarité.

Le diagnostic différentiel des comorbidités

Pour poser un diagnostic —et établir le différentiel—, vous devez réaliser l’évaluation :

  • Cognitive (fonctionnement global et comorbidités)
  • Somatique
  • De la communication
  • Psychologique
  • Sensorielle et d’adaptation
  • Des besoins d’adaptation nécessaires à l’inclusion scolaire ou professionnelle.

 

Au cours des entretiens, vous vous basez sur :

  • L’anamnèse (plaintes des patients et des proches à rapprocher au vécu, à l’historique et à l’impact scolaire et professionnel, précocité et persistances des symptômes, concordance des symptômes avec le DSM-5 ou la CIM-10).
  • L’observation et l’évaluation de l’impact fonctionnel en situation réelle.
  • Le retour des différents intervenants et le résultat des hétéro-questionnaires d’évaluation spécifiques.
  • Les questionnaires et échelles que vous choisissez en fonction du profil.

 

Symptomatologie qui se chevauche

Le chevauchement symptomatologique complique la distinction entre le TSA et ses comorbidités : anxiété sociale versus phobie scolaire, repli social versus dépression, ou une agitation versus TDAH. Ces confusions entraînent surdiagnostics ou sous-diagnostics.

Importance d’un bilan pluridisciplinaire

Un diagnostic précis et fiable nécessite généralement une évaluation pluridisciplinaire : psychiatre, pédiatre, neuropsychologue, orthophoniste, psychomotricien, ergothérapeute, psychologue. Et au centre de cette équipe de soins, vous jouez un rôle essentiel de coordination, de continuité et de sécurisation du parcours de soins. 

Prise en charge des comorbidités : approches thérapeutiques et interventions

Approche pluridisciplinaire et personnalisée

La prise en charge doit être globale et adaptée au profil de la personne.

Les thérapies cognitivo-comportementales, le soutien psychologique et les interventions éducatives spécialisées constituent les piliers de cette approche pluridisciplinaire où la coordination des soins entre professionnels est indispensable et peut faire la différence entre un échec thérapeutique et une intégration réussie.

Exercices physiques, activités et stratégies adaptées aux capacités motrices et de coordination, temps additionnel, permission d’utiliser un clavier d’ordinateur pour s’exprimer…, chacune de ces mesures simples peut suffire à l’inclusion de l’autiste.


Traitements médicamenteux

Certains traitements médicamenteux comme les antidépresseurs, les anxiolytiques, les neuroleptiques et les antiépileptiques peuvent être indiqués. Mais leur usage doit rester raisonné et leur suivi rigoureux, en raison du risque d’effets secondaires et d’interactions.

 

Approches non médicamenteuses

Les approches non médicamenteuses ont aussi une place importante dans la prise en charge du TSA et de ses comorbidités. On y retrouve les techniques comportementales, les interventions éducatives (routines pour le sommeil), le soutien familial ou l’accompagnement scolaire et professionnel.

Former les proches améliore également la compréhension des troubles, leur gestion, et réduit l’épuisement des aidants.

Pour conclure...

Les comorbidités représentent un aspect fondamental de l’autisme. Elles ne sont pas une exception mais bien la règle pour la grande majorité des personnes qui vivent avec un TSA.

Les rechercher systématiquement dès que le diagnostic d’autisme est posé, les repérer précocement, les distinguer des symptômes du TSA, et les prendre en charge de manière adaptée représente un enjeu essentiel.

L’écoute active et la collaboration interdisciplinaire, ajustées aux besoins spécifiques et au profil unique de chaque patient, permettent généralement une amélioration notable de la qualité de vie des autistes.

Par sa vision globale, le médecin généraliste est en première ligne pour accompagner et coordonner ces parcours souvent complexes. Ce lien essentiel permet aux personnes autistes de mieux vivre avec leurs troubles.

Que pensez-vous de votre rôle dans le repérage des comorbidités ?

Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez ?

Quels conseils donneriez-vous à vos collègues moins aguerris ?

Enfin, si vous avez trouvé cet article utile, n’hésitez pas à le partager autour de vous.