L’essentiel en un coup d’œil :
Le tabac : première cause de mortalité évitable en France
Avec 75 000 décès prématurés chaque année, il réduit l’espérance de vie de 20 à 25 ans. Un fumeur sur deux mourra d’une maladie liée au tabac s’il n’arrête pas.Dépendance et nouveaux produits nicotiniques
Le tabac reste une addiction puissante, compliquée par l’émergence de produits comme les cigarettes électroniques et puffs, souvent consommés en parallèle des cigarettes classiques.Bénéfices immédiats et à long terme du sevrage
Arrêter de fumer améliore rapidement la santé (tension, respiration) et réduit significativement les risques de maladies graves à long terme (AVC, cancer).Rôle clé du médecin généraliste
Le médecin accompagne le patient grâce à une évaluation initiale, un suivi personnalisé, et des solutions adaptées comme les substituts nicotiniques et thérapies comportementales.Soutien et prévention des rechutes
L’implication des proches, un suivi régulier et des techniques de gestion du stress aident à maintenir l’abstinence et à réduire les risques de rechute.
Le saviez-vous ?
Le tabac, et plus précisément la nicotine qu’il contient, est la substance psychoactive au plus fort potentiel addictif, devançant l’héroïne, l’alcool ou encore la cocaïne.
Sa fumée contient plus de 80 substances toxiques et dangereuses pour la santé.
Sa consommation régulière est la première cause de mortalité évitable en France : il provoque 75 000 décès prématurés chaque année, et représente 13 % de tous les décès.
On estime à 15 millions le nombre de français qui fument, dont 12 millions fumant quotidiennement. La consommation moyenne se situe autour de 13 cigarettes par jour.
Pourtant, le tabac réduit l’espérance de vie de 20 à 25 ans, et un fumeur sur deux mourra d’une maladie liée au tabac, s’il n’arrête pas de fumer.
Si les chiffres sont stables, ils demeurent alarmants.
La lutte contre la dépendance nicotinique est donc une des priorités de santé publique.
S’il est d’usage de se tourner vers les centres de sevrage, les médecins généralistes, acteurs majeurs de proximité, peuvent, eux aussi, prendre en charge tout aussi efficacement le sevrage tabagique et son accompagnement au long cours.
La 9e édition du Mois sans tabac touchant à sa fin, c’est l’occasion de refaire un point sur les enjeux et les solutions que peut apporter le médecin généraliste dans le sevrage tabagique.
D’autant plus que 6 fumeurs sur 10 déclarent vouloir cesser de fumer.
Enjeux et bénéfices du sevrage tabagique :
État des lieux du marché du tabac :
Depuis quelques années, le marché « traditionnel » du tabac tend à péricliter au niveau mondial, grâce aux nombreuses campagnes de sensibilisation, et études réalisées impliquant le tabac dans un nombre incalculable de maladies mortelles et de décès évitables.
L’industrie du tabac a aussitôt compensé ses pertes en proposant des alternatives au tabac fumé.
On a ainsi vu le retour du tabac à mâcher ou à priser, et naître de nouveaux dérivés nicotiniques, et avec eux de nouveaux usages : pipes à eau (chichas ou narguilés), cigarettes électroniques, puffs (e-cigarettes jetables), tabac chauffé, sachets de nicotine (pouches), perles de nicotine (Nicopop) …
À coup de packagings attrayants, d’arômes toujours plus fantaisistes, et de nouveaux modèles de consommation présentés comme moins nocifs, ces industriels maintiennent non seulement la dépendance nicotinique, mais attirent aussi un nouveau type de consommateurs : les adolescents.
Si les risques semblent être réduits par rapport au tabac fumé, face à l’absence de recul sur ces dérivés nicotiniques, la vigilance reste de règle.
D’autant que ces nouveaux produits de tabac ou de nicotine ne se substituent pas toujours à la cigarette classique.
En effet, environ un vapofumeur sur 2 déclare continuer de fumer des cigarettes en parallèle.
Or, le tabac et la nicotine, consommés sous quelle que forme que ce soit, sont néfastes pour la santé.
Jusqu’ici les campagnes d’information ciblaient essentiellement les dangers émanant de la fumée du tabac.
Aujourd’hui, elles doivent aussi prendre en compte ces nouveaux modes de consommation et leurs cibles.
Le tabagisme et ses effets :
Le tabagisme fait partie des addictions, au même titre que l’alcoolisme, la toxicomanie ou l’addiction comportementale.
Il s’agit d’une maladie chronique, au fort taux de rechute, responsable de nombreux décès prématurés, et qui provoquent de nombreuses maladies graves, parmi lesquelles :
- Les maladies cardio-vasculaires : dont 80% des IDM chez les moins de 45 ans.
- Les cancers (25%) : broncho-pulmonaire 81%), ORL, vessie, etc.
- Les maladies respiratoires comme la BPCO (85%) ou l’emphysème.
- Les AVC (20% de leurs causes sont imputables au tabac) et anévrismes de l’aorte abdominale.
- Les problèmes de fertilité …
Les bénéfices du sevrage :
Les bénéfices immédiats sont :
- Retour à la normale du rythme cardiaque et de la tension artérielle
- Meilleure oxygénation des cellules
- Élimination des résidus de fumée par la toux et les expectorations
- Baisse des symptômes de manque (irritabilité, anxiété), regain d’énergie
- Retour du goût et de l’odorat
- Meilleure respiration, repousse des cils bronchiques
- Amélioration du teint et des niveaux de dopamine.
Sur le plus long terme, l’arrêt du tabac améliore l’espérance de vie, réduit les risques d’AVC et d’infarctus, et diminue de moitié le risque de développer un cancer du poumon, après 5 ans d’abstinence, risque qui rejoint celui d’un non-fumeur, après 15 ans.
On estime qu’une cigarette évitée représente 11 minutes de vie de gagnée, et qu’un an sans tabac, augmenterait de 36 jours l’espérance de vie.
Challenges du sevrage tabagique :
Les principaux challenges à relever dans la lutte contre le tabagisme portent sur :
- la dépendance, qu’elle soit physique ou psychologique, et
- les facteurs sociaux et environnementaux qui accompagnement le tabagisme.
En effet, ces éléments pèsent lourd dans la décision d’arrêter ou pas de fumer.
Si le fumeur redoute les symptômes liés au manque physique et psychologique, il redoute encore plus de s’écarter de sa vie sociale, amicale et familiale, habituellement centrée autour de la cigarette : la cigarette de la pause au travail, le traditionnel café-cigarette, la cigarette des soirées arrosées entre amis ou en famille autour d’un repas…
Cette « cigarette plaisir » des moments conviviaux induit une dépendance comportementale, qui est sans doute la plus difficile à encadrer, surtout si elle est associée à la « cigarette béquille », que l’on fume dans les moments difficiles et stressants, et qui induit la dépendance psychologique.
Le suivi et l’accompagnement dans l’abstinence doivent donc être anticipés et planifiés, d’autant plus que la dépendance tabagique persiste après l’arrêt, qu’il est difficile de rester abstinent et, que la rechute reste toujours possible, surtout en période de stress ou si l’environnement et l’entourage n’ont pas modifié leurs comportements.
Rôle du médecin généraliste dans le sevrage tabagique :
Évaluation initiale du patient :
La consultation préparatoire au sevrage est essentielle et améliore les chances de réussite.
Elle doit impérativement être un temps dédié, distinct de la consultation traditionnelle de médecine générale.
L’évaluation initiale permet d’évaluer et d’analyser la consommation de tabac.
Le médecin généraliste s’intéresse :
- À l’historique de consommation du fumeur.
- Aux tentatives de sevrage antérieures.
- Aux motifs de rechute.
- Aux facteurs de motivation.
- Au stade de la décision (réflexion, intention, refus…).
- À l’état du tabagisme (Test de Fagerström) et de la dépendance tabagique (Test de Horn).
- Aux co-consommations, qui majorent les risques de mortalité et qui sont fréquemment associées chez les plus jeunes : alcool (questionnaire CAGE-DETA, test AUDIT et FACE), drogues comme le cannabis (questionnaire CAST) …
- Aux éventuelles pathologies duelles et comorbidités anxieuses et dépressives qui peuvent s’aggraver lors du sevrage. Les Inventaires de Beck BAI (anxiété) et BDI (dépression) ou l’échelle HAD permettent d’évaluer ce risque.
- Et, bien sûr, aux antécédents et autres pathologies que le tabac peut compliquer : maladies cardio-vasculaires, respiratoires…
Au cours de cette consultation préparatoire, le médecin généraliste prépare le fumeur avant le démarrage du sevrage, et peut par exemple, proposer de réduire progressivement la consommation de tabac, et d’introduire des substituts nicotiniques.
Accompagnement personnalisé :
Pour augmenter les chances de réussite, le plan de sevrage doit être adapté au profil du fumeur et à ses attentes.
Le suivi doit être régulier, et l’accompagnement programmé en fonction des besoins du fumeur sevré, pour maintenir l’abstinence.
Si sur le papier, tout semble prévu et facile à mettre en place, dans les faits, les médecins se heurtent vite aux réalités de terrain : leur charge de travail, déjà conséquente, ne leur permet pas toujours de dégager du temps pour accompagner ces ex ou futurs ex-fumeurs.
Parfois même, ils déplorent un manque de connaissances sur les techniques d’aide au sevrage.
Techniques et outils de sevrage :
Thérapies nicotiniques de substitution (TNS) :
Les substituts nicotiniques sont le traitement de première intention dans le sevrage tabagique.
Ils peuvent être utilisés en complément du tabac dans le cadre d’une réduction de consommation, en vue d’un sevrage total ultérieur, ou en seul dans le cas d’un sevrage total.
On distingue les formes :
- Transdermiques : patchs, timbres.
- Orales : gommes à mâcher, pastilles à sucer, comprimés sublinguaux, inhalateurs, sprays buccaux…
En règle générale, on couple les prises orales pour leurs effets immédiats, aux patchs qui diffusent la nicotine plus lentement, généralement sur 16 à 24H.
La recommandation usuelle est de 1 mg de substitut nicotinique par cigarette fumée.
Par exemple, si l’on fume 15 cigarettes par jour, le dosage de substitut nicotinique recommandé sera de 15 mg par 24h.
Depuis le 1er janvier 2019, les TSN prescrits bénéficient d’une prise en charge de droit commun, par les organismes d’assurance maladie, soit à hauteur de 65%.
On les trouve aussi en vente libre en officines.
Les TSN permettent d’augmenter les chances de réussite du sevrage à plus de 6 mois, d’environ 60%.
Ils ont été utilisés par plus d’un million de fumeurs en 2022.
Médicaments non nicotiniques :
On retrouve essentiellement :
- La Varénicline : qui est un agoniste partiel des récepteurs nicotiniques cérébraux. Elle remplace le Champix, dont la commercialisation a été arrêtée en France, en 2021.
- Le Bupropion (Zyban, Voxra, Budeprion, Aplenzin…) : qui est un psychoanaleptique et antidépresseur.
Ils sont proposés en seconde intention après échec des traitements de 1ère intention. Ils sont efficaces, mais sont à utiliser avec précautions.
Thérapies comportementales et cognitives :
L’accompagnement psychologique est primordial pour augmenter les chances de réussite du sevrage tabagique, briser les habitudes et mieux gérer les déclencheurs et les envies irrépressibles de fumer (craving).
Outre les thérapies brèves comme les TCC, d’autres solutions peuvent accompagner le sevrage et maintenir l’abstinence : acupuncture, hypnothérapie, mini-séance de perfusion aromatique avec des huiles essentielles comme la Pruche du Canada, activités physiques, méditation guidée…
Outils numériques et applications :
En cas de difficultés et pour rester motivés, si la solution la plus répandue reste l’appel au 3989, des solutions digitales, utilisées en complément des thérapies classiques, ont vu le jour comme : Stop-tabac, Tabac Info Service, Kwit, OuiQuit …
Ces applications mobiles aident à rester motivés et permettent de suivre les progrès réalisés. Elles offrent aussi :
- Des conseils quotidiens pour mieux gérer le sevrage,
- Des vidéos de soutien,
- Un baromètre permettant de mesurer les économies réalisées et le nombre de jour de vie de gagnés,
- Des jeux ludiques destinés à soulager les symptômes de manque et le craving.
Le sevrage tabagique assisté par mailing automatisé est un type de e-coaching qui s’étale sur une période d’environ 3 mois.
Ses résultats sont aussi intéressants, quand le coaching est suivi de manière assidue.
Entretien motivationnel et communication avec le patient :
L’entretien motivationnel :
L’entretien motivationnel est l’une des méthodes utilisées pour renforcer la motivation du patient à travers une communication empathique et bienveillante.
La méthode des 5A en est un bel exemple. Elle permet de repérer le tabagisme, d’encourager son arrêt, le maintien l’abstinence, et est adaptée au degré de motivation de la personne.
Cette méthode est basée sur les 5A :
- Ask (poser des questions),
- Advise (conseiller),
- Assess (évaluer),
- Assist (aider, soutenir), et
- Arrange (organiser).
Elle peut être couplée à un éventuel traitement médicamenteux.
L’alliance thérapeutique :
La question du tabagisme doit être abordée de manière non culpabilisante, et la relation de confiance entre le médecin et son patient fumeur est primordiale et influe sur le succès du sevrage.
Prévention primaire en médecine générale :
Elle est recommandée dans les cas de tabagisme juvénile et est principalement axée sur l’information qui, bien conduite, peut être efficace chez les jeunes, perdus au milieu des différents messages propagés.
Stratégies de prévention des rechutes :
Situations à risque et déclencheurs
Pour éviter les rechutes, il faut évaluer les facteurs susceptibles de les provoquer : pression sociale, stress, lieux associés à la consommation de tabac …
Et, enseigner des techniques de gestion du stress comme la relaxation, la gestion des émotions, la pratique de la méditation…
Certaines applications mobiles peuvent être recommandées comme Petit Bambou, Calm ou Cohérence cardiaque….
Support continu :
Un suivi régulier et au long terme est également un bon moyen de mener le sevrage à son terme et dans de bonnes conditions.
Dans les premiers temps, on propose une consultation hebdomadaire puis, une consultation mensuelle, et enfin, une consultation tous les 3 à 6 mois selon les besoins du patient.
Formation continue des médecins et outils recommandés
Rôle de la formation continue :
La formation continue permet de mettre à jour régulièrement ses connaissances sur les traitements, les outils et les techniques d’aide au sevrage tabagique.
Elle a un réel impact sur la capacité des médecins à gérer le sevrage dans les meilleures conditions.
Implication de l’entourage et environnement du patient :
L’implication et le soutien des proches, tout comme le réaménagement de l’environnement pour éviter les tentations, permettent aussi de maintenir la motivation du patient.
Mesures de Santé Publique :
En plus du remboursement partiel des substituts nicotiniques, les pouvoirs publics proposent des programmes de sensibilisation et des campagnes d’information sur les dangers du tabac et les bénéfices du sevrage.
Le challenge Mois sans tabac, qui permet aux fumeurs avides de défis de cesser leur consommation de tabac durant 30 jours, est un bel exemple de réussite, quand on sait qu’arrêter de fumer pendant un mois multiplie par 5 les chances de cesser définitivement sa consommation.
Pour conclure...
Vous l’aurez compris, le tabagisme et la dépendance nicotinique qu’il induit, n’est pas facile à prendre en charge, tant les profils des consommateurs et leurs attentes varient.
Le médecin généraliste, déjà surchargé de travail, peut vite se trouver démuni face aux spécificités qu’impliquent ces prises en charge.
Pourtant, avec une formation complète sur les différents outils d’aide au sevrage et au maintien de l’abstinence, la collaboration avec les réseaux de proximité (addictologue, tabacologue, psychologue, paramédicaux formés au sevrage…), l’aide en ligne (Info tabac service), et un suivi personnalisé et adapté au fumeur, les chances de mener un sevrage réussi, avec le moins de rechutes possibles, sont équivalentes à celles mises en œuvre au sein des centres de sevrage.
Alors, si vous aussi, vous souhaitez participer à la baisse du nombre de fumeurs, n’hésitez pas à vous former aux actions de DPC dédiées aux addictions et au sevrage tabagique.
Si vous souhaitez arrêter de fumer, n’hésitez pas à consulter votre médecin traitant.
Et, si vous avez arrêté de fumer, quelle méthode avez-vous testée ?
Quels conseils donneriez-vous à l’un de vos proches, désireux de se sevrer ?
Enfin, si vous avez trouvé utiles les informations contenues dans cet article, vous pouvez le transférer à votre entourage ou à vos patients fumeurs, et désireux d’arrêter.
Pour en savoir plus, n’hésitez pas à consulter notre catalogue de formations DPC.