L’essentiel en un coup d’œil :
- Affections urgentes clés : Certaines maladies comme le purpura fulminans, la nécrolyse épidermique toxique et l’œdème de Quincke nécessitent une prise en charge immédiate.
- Signes d’alerte majeurs : Douleur intense, éruptions cutanées étendues, fièvre avec lésions cutanées, détresse respiratoire ou œdème facial.
- Rôles du médecin généraliste : Évaluer les symptômes, administrer les premiers soins (antihistaminiques, adrénaline, antibiotiques) et orienter rapidement si nécessaire.
- Groupes à risque : Enfants, personnes âgées, immunodéprimés et patients sous chimiothérapie.
- Prévention essentielle : Vaccination contre le zona, hygiène stricte, gestion des allergies et éducation du patient sur les signes d’urgence.
Le saviez-vous ?
Avec la pénurie de dermatologues, l’accès à une consultation pour diagnostiquer et traiter les maladies de peau relève parfois du parcours du combattant, y compris en cas d’urgences.
Démuni, le patient se présente alors aux Urgences générales de l’hôpital de proximité, sans avoir identifié son médecin traitant comme professionnel de premier recours, dans le diagnostic et le traitement de l’urgence dermatologique.
Comment pouvez-vous intervenir devant une urgence dermatologique ?
C’est ce que nous verrons dans ce guide qui reprend les bases vous permettant d’évaluer, de référer et d’orienter votre patient le plus efficacement possible.
Comprendre les Urgences dermatologiques
Définition clinique :
Les urgences dermatologiques regroupent un ensemble de tableaux cliniques spécifiques qui nécessite une prise en charge rapide, notamment si des signes de morbi-mortalité y sont associés.
Si les infections sont la cause principale des urgences dermatologiques pédiatriques, chez l’adulte, ce sont les allergies médicamenteuses sévères et les dermatoses inflammatoires qui les conduisent à consulter en urgence.
L’urgence dermatologique peut concerner :
- Les affections franches comme le purpura fulminans, la fasciite nécrosante, la nécrolyse épidermique toxique ou le syndrome de Lyell dont les signes sont évocateurs de l’urgence.
- Les affections plus frustes, comme une infection uro-génitale associée à une infection hautement contagieuse.
- Les maladies associées à des symptômes généraux comme les douleurs abdominales du purpura vasculaire.
Une consultation en soins primaires sur 10 concerne une maladie dermatologique, mais rares sont celles qui mettent en jeu le pronostic vital du patient.
Exemples typiques relevant de l’urgence :
Devant une suspicion de syndrome de Stevens-Johnson ou de nécrolyse épidermique toxique (NET), l’orientation du patient doit intervenir rapidement.
Ces affections cutanées sont généralement dues à la prise de médicaments comme les sulfamides ou certains autres antibiotiques, les antiépileptiques, les AINS, les antirétroviraux et les inhibiteurs de point de contrôle immunitaire…
Plus rarement, elles sont causées par une infection et même la vaccination.
Elles sont identifiables par leurs caractéristiques spécifiques : apparition de macules qui s’étendent rapidement et fusionnent, formation de bulles épidermiques et/ou de nécroses, décollement cutané …
Elles peuvent être associées à des symptômes systémiques.
D’autres pathologies comme la fasciite nécrosante et le zona ophtalmique relèvent aussi de l’urgence.
Signes clés d’alerte en Urgence dermatologique
Les principaux signes qui mènent à une consultation dermatologique en urgence sont :
La douleur intense :
Comme celle présente dans les cas de fasciite nécrosante, de zona ou d’érythème noueux évolutif.
L’éruption cutanée soudaine et étendue :
Comme celle observée dans le psoriasis érythrodermique ou les toxidermies sévères.
La fièvre associée à des lésions cutanées :
Comme nous le rencontrons dans les cas d’érysipèle ou de septicémie liée à une dermohypodermite infectieuse.
La détresse respiratoire ou l’œdème facial :
Que l’on retrouve dans l’œdème de Quincke ou le choc anaphylactique.
Les lésions saignantes ou non cicatrisantes :
Typiques du mélanome ulcérant ou du carcinome infiltrant.
Pathologies dermatologiques nécessitant une prise en charge urgente :
Les principales maladies relevant de l’urgence dermatologique sont :
Les infections graves :
Les infections bactériennes ou virales sévères peuvent nécessiter une prise en charge urgente comme c’est le cas de :
- L’érysipèle, inflammation aiguë où les « rougeurs » sont très douloureuses et associées à de la fièvre.
- Les DHBN-FN (dermohypodermites bactériennes nécrosantes-fasciites nécrosantes), qui sont des infections bactériennes nécrosantes, rapidement progressives, du derme et de l’hypoderme, pouvant atteindre le muscle.
- Le Zona ophtalmique qui peut vite s’aggraver, entraîner de graves complications pour la vision, et qui génère une douleur insupportable.
Les réactions allergiques sévères :
L’Œdème de Quincke, urticaire géante avec risque d’anaphylaxie, est à traiter en urgence.
Les toxidermies :
On relèvera surtout les nécrolyses épidermiques, la pustulose exanthématique aiguë généralisée, le syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse et l’érythème pigmenté fixe bulleux généralisé.
Les affections inflammatoires aiguës :
Les urgences inflammatoires comprennent surtout les érythrodermies, la dermatomyosite, le lupus et la vascularite.
Les signes de cancers avancés :
On les retrouve surtout dans le mélanome nodulaire ou le carcinome infiltrant.
Le cas du purpura.
Devant un purpura aigu, l’approche de l’urgence doit automatiquement être choisie pour déterminer son origine : infection (méningococcémie, endocardite infectieuse…), thrombopénie (recherche de signes hémorragiques associés), etc.
Le purpura fulminans :
Dans 80 % des cas, le germe en cause est le méningocoque, qui atteint l’endothélium vasculaire, soit directement soit par les toxines qu’il produit.
Le purpura est ecchymotique et nécrotique. Il s’étend plus ou moins, et touche surtout les membres inférieurs. Il peut alors être associé à des pustules.
Au début, il peut évoluer discrètement et entraîner un syndrome septique, mais il peut aussi être d’emblée sévère, et provoquer un état de choc.
Le purpura fulminans impose une antibiothérapie parentérale en urgence, associée à une prise en charge en service de réanimation.
Sa déclaration est obligatoire et la prévention des cas contacts est à organiser.
Focus sur les urgences dermatologiques pédiatriques :
Les symptômes chez l’enfant peuvent être soudains, inquiétants, et nécessiter une prise en charge immédiate pour minimiser les risques de complications.
Il faudra être particulièrement vigilant devant :
- Une éruption soudaine de plaques rouges et prurigineuses typiques de l’urticaire aiguë, qui peut faire suspecter une réaction allergique sérieuse à un aliment ou un médicament.
- L’apparition de lésions cutanées érythémateuses infectieuses ou médicamenteuses.
- La présence de bulles sur la peau (dermatose bulleuse d’origine infectieuse ou allergique).
Prise en charge immédiate : le rôle du médecin généraliste
Évaluation initiale :
L’évaluation initiale est la première étape de la prise en charge.
Elle consiste à interroger le patient pour relever les antécédents médicaux et familiaux, les traitements en cours et passés, les facteurs de risque (mode de vie personnel, exposition professionnelle …), les symptômes cutanés et systémiques (démangeaisons intenses, fièvre, douleur, détresse respiratoire …), le mode d’apparition de l’affection, son contexte et son évolution… Outre le tableau clinique et la sémiologie, l’analyse contextuelle est en effet, nécessaire pour adapter la prise en charge.
Après l’interrogatoire, vous procédez à l’inspection minutieuse de votre patient pour relever, recenser et analyser les lésions (taille, localisation, couleur…).
Premiers gestes en cabinet :
Une fois l’anamnèse et l’examen clinique terminés, vous prenez en charge la lésion cutanée et la maladie en cause :
- Nettoyage antiseptique en cas de lésions infectées.
- Administration d’adrénaline en présence d’un choc anaphylactique.
- Corticostéroïdes systémiques si vous suspectez une toxidermie.
- Antihistaminiques, antibiotiques…
Quand référer rapidement :
En dehors de l’urgence vitale, en cas de doute sur le diagnostic ou si vous avez initié des soins en urgence qui nécessite une prise en charge spécialisée, vous orientez votre patient vers un dermatologue à qui vous référez pour éviter tout retard de diagnostic ou aggravation de la pathologie.
Pour assurer la coordination et la sécurité des soins, vous lui transmettez les données essentielles à la prise en charge de votre patient : motif d’adressage précis, compte rendu de la consultation initiale (recueil de données, bilan des lésions, signes de gravité associés ou suspicion d’atteintes d’organes …), photos, traitements, examens réalisés …
À noter que l’évaluation de l’état général de votre patient est primordiale pour définir le degré de l’urgence, et intervenir rapidement si le pronostic vital est engagé, ou en cas de risque de séquelles fonctionnelles importantes ou de forte contagiosité …
À noter que certains hôpitaux ou centres spécialisés en dermatologie proposent un numéro d’urgence ou réservent un nombre défini de consultations quotidiennes aux urgences.
D’autre part, en cas de doute, vous pouvez recourir aux téléconsultations avec un confrère dermatologue ou faire appel aux réseaux spécialisés existant sur le territoire pour limiter les risques et les séquelles liées au retard de diagnostic ou de prise en charge adaptée.
Consultation dermatologique et hospitalisation
Consultation de dermatologie :
Lorsque le dermatologue reçoit le patient que vous lui adressez, il :
- Analyse les lésions au dermatoscope.
- Réalise si besoin, une biopsie pour confirmer le diagnostic.
- Ajuste ou cible le traitement : antibiotiques, immunosuppresseurs…
Hospitalisation :
En cas de retentissement sur l’état général du patient, si les symptômes sont étendus ou s’ils persistent depuis plus de 5 jours, l’hospitalisation sera recommandée.
Certaines pathologies nécessitent une prise en charge pluridisciplinaire, notamment dans les cas de toxidermies ou d’infections graves, voire une prise en charge en soins intensifs en cas de nécrose épidermique toxique.
Groupes à risque et situations particulières
Certaines situations ou groupes de personnes sont plus à risque, et nécessitent d’être prise en charge rapidement, comme :
Les enfants :
Les accidents domestiques touchant les enfants en bas âge, ne sont pas à négliger. On pense notamment aux risques de syndrome staphylococcique et aux séquelles possibles en cas d’ébouillantage.
Il faudra aussi être vigilant en cas de fièvre associée aux éruptions cutanées.
Les personnes âgées :
Les personnes âgées ont un risque accru de développer des cancers cutanés avancés et des infections graves, surtout si elles sont déjà touchées par d’autres maladies chroniques comme un diabète.
Qui plus est, en cas de déclin cognitif, elles sont également plus sujettes aux accidents domestiques (brûlures et échaudures, par exemple).
Les patients immunodéprimés :
Chez les patients immunodéprimés, on sera vigilant face à une dermohypodermite étendue ou un zona, qui peut s’aggraver rapidement s’il ne bénéficie pas de soins urgents.
Les patients sous chimiothérapie :
Enfin, en plus de l’augmentation des toxidermies et des réactions médicamenteuses observées chez les patients sous chimiothérapie, le risque de complications cutanées graves que peut causer un traitement par radiothérapie, doit être mesuré, d’autant plus que l’immunité est déjà mise à mal avec le cancer et les traitements qui y sont associés : le risque infectieux est donc particulièrement important chez ce type de malades.
Prévention des urgences dermatologiques
Certaines maladies cutanées nécessitent un suivi étroit pour éviter les complications ou les récidives.
Suivi des affections chroniques :
Certaines affections, comme le psoriasis ou l’eczéma sévère, nécessitent une prise en charge qui tient compte des poussées qu’elles induisent, et qu’il faudra anticiper et intégrer au suivi.
Les patients à risque de développer un mélanome seront également suivis de près.
Prévention des infections :
Pour les personnes relevant de la cible, la vaccination contre le zona sera fortement conseillée, et pour les plus vulnérables, une bonne hygiène associée à une asepsie rigoureuse seront recommandées, surtout en présence de plaies ou de lésions.
Gestion des allergies :
Une attention particulière sera également portée aux malades ayant des antécédents personnels ou familiaux d’allergie sévère.
L’identification des allergènes sera clairement établie et consignée sur les ordonnances et dans le dossier médical du patient.
Éducation du patient :
Bien sûr, vous initiez un suivi un suivi régulier, que vous adaptez au besoin.
Vous éduquez votre patient sur les risques de complications possibles, et la conduite à tenir en fonction des symptômes qui se présentent.
Celui-ci doit savoir reconnaître les signes d’urgence et agir en conséquence.
En cas de réactions cutanées sévères et soudaines, il est essentiel qu’il vous consulte immédiatement pour éviter les complications.
Pour conclure...
Comme vous le savez, les délais pour obtenir une consultation en dermatologie s’allongent, et plus que jamais, vos patients comptent sur vous pour prendre en charge leurs maladies de peau, notamment en cas d’urgence.
Si la détection et le diagnostic des urgences vous semblent relever du challenge, face à l’étendue des tableaux cliniques aigus qui peuvent se présenter, vous pouvez compléter votre formation initiale à l’aide des actions de DPC dédiées à la dermatologie, et ainsi améliorer votre approche diagnostique, vos connaissances sémiologiques et sécuriser la prise en charge de l’urgence dermatologique de vos patients.
Pour terminer, êtes-vous régulièrement confronté aux urgences dermatologiques ? Et, comment les appréhendez-vous ?
Enfin, si vous avez trouvé cet article utile, n’hésitez pas à le partager autour de vous.
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