L’essentiel en un coup d’œil :
Prévalence préoccupante dès l’enfance : 17 % des adultes et 4 % des enfants sont obèses en France, avec une augmentation des formes précoces et sévères.
Multifactorialité de l’obésité : Génétique, troubles hormonaux, facteurs psychologiques, environnementaux, médicamenteux et sociaux doivent être explorés pour un accompagnement efficace.
Prévention à trois niveaux : Primaire (hygiène de vie), secondaire (dépistage et plan d’action), tertiaire (suivi pluridisciplinaire et chirurgie si besoin).
Rôle clé du médecin généraliste : Bilan motivationnel, coordination avec les professionnels (diététiciens, psychologues, APA), suivi régulier et éducation sans stigmatisation.
Outils numériques et collectifs mobilisables : Applications santé, télémédecine, Obéclic, RePPOP, initiatives en milieu scolaire et professionnel pour un environnement favorable.
Le saviez-vous ?
L’obésité est une maladie chronique qui touche aussi bien les adultes que les enfants.
En France, 32 % des adultes et 13 % des enfants âgés de 6 à 17 ans sont en surpoids, et 17% des adultes et 4% des enfants sont obèses.
Or, l’obésité est associée à plusieurs comorbidités et réduit l’espérance de vie.
Plus qu’une maladie, on la considère surtout comme une pandémie mondiale, contre laquelle tous les acteurs devraient lutter au quotidien : soignants, industriels, pouvoirs publics, organismes d’assurance maladie, écoles, entreprises…
Si on sait aujourd’hui, que l’obésité est multifactorielle, et qu’elle ne se résume pas qu’à des prises alimentaires excédentaires et à la sédentarité, la grossophobie et les idées reçues persistent.
Il est donc primordial de sortir de ces clichés, qui culpabilisent ces malades, et de prendre en compte les mécanismes, les facteurs de risque, et les stratégies actualisées pour accompagner ces patients en souffrance.
En tant que médecin généraliste, vous êtes au cœur de ces prises en charge, le garant de leur succès, et souvent l’interlocuteur privilégié de ces malades encore trop souvent pointés du doigt, et qui ne savent plus vers qui se tourner pour être considérés et soignés.
Alors, qu’est-ce que l’obésité ? Comment la prévenir et comment pouvez-vous venir en aide à vos patients qui en souffrent ?
C’est ce que nous verrons ci-après.
Comprendre les causes et les mécanismes de l’obésité :
Définitions et classifications :
L’obésité se caractérise par une accumulation anormale de graisse corporelle, qui nuit à la santé. Pour la diagnostiquer, vous disposez de plusieurs outils dont :
L’Indice de Masse Corporelle (IMC) :
L’IMC est l’un des indicateurs les plus utilisés pour mesurer l’obésité.
Une personne avec un IMC situé entre 25 et 30 est en surpoids, au-delà, on parle d’obésité.
En revanche, ces chiffres sont à interpréter avec prudence, car ils ne renseignent pas sur la composition réelle du corps : graisse, eau, os, muscles…
Et, un IMC élevé n’aura pas la même valeur chez un sportif de haut niveau (la masse musculaire pesant plus lourd que la masse grasse), une femme enceinte (l’IMC peut être élevé sans qu’il y ait surpoids), et une personne sédentaire.
Classification en fonction de l’IMC :
IMC (Kg/m2) : | Interprétation : |
< 18,5 | Maigreur |
18,5 – 24,9 | Corpulence normale |
25 – 29,9 | Surpoids |
30 – 34,9 | Obésité modérée (Grade I) |
35 – 39,9 | Obésité sévère (Grade II) |
≥ 40 | Obésité massive (Grade III) |
Le tour de taille :
Il renseigne sur l’obésité mais aussi sur le risque cardiovasculaire.
On parle d’obésité abdominale lorsque le périmètre abdominal est supérieur à 100 cm chez l’homme et à 88 cm chez la femme (en dehors de la grossesse).
Le taux de graisse abdominale :
Pour connaître l’indice de masse grasse (IMG), on peut se référer à la Formule de Deurenberg, aux tests des plis cutanés ou à l’impédancemétrie.
Là encore, il faut distinguer la graisse superficielle de la graisse profonde, qui entoure les organes. Elle renseigne davantage sur le risque cardiovasculaire.
Facteurs de risque :
Si la cause principale de l’obésité est un déséquilibre entre les apports et les dépenses énergétiques, elle ne suffit pas à expliquer cette épidémie.
Différents facteurs de risque entrent en considération, dont ceux d’ordre :
- Génétiques, comportementaux (manque de sommeil, sédentarité), environnementaux, liés à l’âge (diminution de la masse musculaire).
- Psychologiques : troubles du comportement alimentaire (faim émotionnelle, régimes restrictifs avec effet yoyo, sous-alimentation, perte des signaux de la faim et fausses faims), dépression, stress, traumatismes…
- Hormonaux : déséquilibres hormonaux, ménopause …
- Médicamenteux : corticoïdes, insuline, antiépileptiques, antirétroviraux, certains antidépresseurs….
- Sociaux: précarité, isolement, sédentarité imposée.
Il est primordial de repérer les mécanismes, les causes, et les freins potentiels, pour que l’accompagnement soit un succès.
Focus sur le microbiote intestinal
Depuis quelques années, on évoque l’impact de la composition du microbiote intestinal dans le métabolisme et la gestion du poids. Il faut donc tenir compte de cette donnée dans les recommandations alimentaires, et favoriser aussi la santé intestinale.
Les conséquences de l’obésité sur la santé :
Complications métaboliques et organiques :
L’obésité est une maladie chronique complexe qui aggrave ou cause de nombreuses pathologies cardio-métaboliques (diabète, NASH, dyslipidémie, HTA…), respiratoires (apnée du sommeil), articulaires, ou certains cancers (endomètre, sein, ovaires, prostate, foie, vésicule biliaire, rein, colon).
Conséquences psychologiques et sociales :
Elle induit également des troubles psychosociaux tels que la dépression, l’isolement social ou la stigmatisation, qui majorent l’obésité. Un cercle vicieux s’installe, et il est souvent difficile à enrayer.
Prévention primaire : agir avant l’apparition du surpoids.
La prévention primaire met surtout l’accent sur les actions à mettre en place en amont de l’apparition du surpoids.
Cela passe par l’hygiène de vie, qui doit être la plus saine possible : alimentation équilibrée, pratique d’une activité physique régulière, sommeil de qualité, gestion des émotions…
Alimentation et éducation nutritionnelle :
Aujourd’hui, il n’est pas simple de s’y retrouver entre les scandales alimentaires, les régimes à la mode, le manque de compréhension du Nutri-Score ou des étiquettes produits, l’offre titanesque de plats préparés et ultra-transformés, et les nombreuses informations, parfois contradictoires, qui circulent sur internet au sujet de l’alimentation.
Il est donc important d’évaluer les connaissances du patient au sujet de l’équilibre alimentaire, pour pouvoir le diriger vers les repères et les recommandations de consommation du Programme National Nutrition Santé (PNNS), qui a pour objectifs de réduire l’obésité et le surpoids, augmenter l’activité physique et diminuer la sédentarité, améliorer les pratiques alimentaires et les apports nutritionnels, et réduire la prévalence des pathologies nutritionnelles.
Et, pour être efficace, l’éducation nutritionnelle doit commencer dès l’enfance.
Zoom sur le programme VIF® :
Le programme VIF ® (Vivons en forme), anciennement EPODE (Ensemble, Prévenons l’Obésité Des Enfants), vise à :
- Promouvoir et favoriser la forme et la santé des enfants,
- Prévenir l’obésité,
- Réduire les inégalités sociales en matière d’alimentation et d’activité physique.
Il propose des outils validés par le PNNS (brochures pédagogiques, jeux, roue du goûter…).
Activité physique et réduction de la sédentarité :
Le deuxième pilier sur lequel agir est l’activité physique.
Elle doit être régulière pour réduire la sédentarité.
Les recommandations OMS actuelles encouragent une pratique de 150 à 300 minutes par semaine pour les adultes, et 60 minutes par jour pour les enfants.
Elles doivent être adaptées au quotidien et aux capacités du patient, et intégrées dans le parcours de soin : APA, coaching à domicile…
Sommeil et rythme circadien :
Aujourd’hui, le lien entre le manque de sommeil et la prise de poids ou la difficulté à en perdre, n’est plus à faire. On sait qu’un sommeil perturbé a des conséquences sur l’appétit et le stockage des graisses.
Il est donc impératif d’éduquer le plus précocement possible, les enfants et adolescents sur l’importance du sommeil, pour éviter que cette dette ne s’installe durablement.
Créer un environnement favorable :
Cela demande que les collectivités, les structures éducatives mais aussi les parents, s’impliquent dans ce processus préventif, et apportent à l’enfant un environnement actif, des produits sains et un soutien indéfectible.
Prévention secondaire : dépister précocement et accompagner.
La prévention secondaire consiste à dépister précocement les signes de surpoids, et à accompagner le patient dans les modifications de ses comportements.
Elle est principalement axée sur :
- Le dépistage régulier de l’IMC et du périmètre abdominal, et
- L’évaluation globale du patient : antécédents, facteurs sociaux, freins au changement…
Un bilan motivationnel et un plan d’action personnalisé (objectifs SMART) doivent accompagner cette démarche préventive.
Il est également essentiel d’initier une coordination pluridisciplinaire dès le dépistage des signes de surpoids : diététiciens, psychologues, éducateurs médico-sportifs, infirmiers scolaires …
Prévention tertiaire : éviter les complications et rechutes :
La prévention tertiaire consiste à éviter les complications. Elle est basée sur :
- Le suivi médical régulier et pluridisciplinaire et
- Le soutien comportemental à long terme.
Dans les cas complexes, et quand l’accompagnement médical avec une équipe multidisciplinaire spécialisée a échoué, la chirurgie bariatrique peut alors être envisagée.
Ses critères d’éligibilité sont :
Adultes | Enfants : |
Critères liés à l’âge :
18 à 60 ans | Critères physiologiques :
Stade de Tanner ≥ IV (âge osseux ≥ 13 ans chez les filles et ≥ 15 ans chez les garçons)
|
IMC :
– > à 40 Kg/m2
– > à 35 Kg/m2 + comorbidité associée. | IMC : – > 35 kg/m2 + 1 comorbidité sévère (diabète, apnée sévère, hypertension intracrânienne, NASH sévère)
– > 40 kg/m2 avec altération majeure de la qualité de vie. |
| Capacité de compréhension de l’adolescent concernant l’intervention, le suivi, et les modifications à apporter à l’hygiène de vie, après l’intervention.
|
L’accompagnement post-opératoire ne doit pas être négligé.
La chirurgie de l’obésité permet de perdre en moyenne et durablement 25% du poids total, et améliore les comorbidités et la mortalité.
Technologies et outils numériques au service de la prévention :
Pour vos patients :
Différents outils peuvent aider votre patient dans son quotidien. Il s’agit :
- Des applications mobiles comme MyFitnessPal, Yazio, Fedmind, ou encore Foodvisor (coaching virtuel), qui permettent de suivre l’alimentation et l’activité physique. Certaines d’entre elles intègrent des programmes courts d’activités physiques ciblant différentes zones du corps, des recettes, et reprennent les bases de l’équilibre alimentaire.
- La télémédecine et le e-coaching pour venir en aide aux patients isolés ou à mobilité réduite : Obécoach.
- Les objets connectés tels que les balances, trackers d’activité, podomètres, montres connectées …
Et, gageons que d’ici peu, l’IA devrait proposer des solutions encore plus innovantes.
La réalité augmentée pourrait ainsi proposer des ajustements des portions en temps réel ou des activités physiques submersives pour motiver les plus jeunes, par exemple.
Pour les professionnels de santé :
Certaines applications ou plateformes peuvent aussi vous aider dans votre quotidien. C’est le cas :
- Du site obéclic qui a été créé pour vous aider dans le diagnostic de l’obésité infantile.
- De la chaine Youtube RePPOP PréO ou encore du logigramme de prise en charge du surpoids et de l’obésité chez l’enfant, mis à votre disposition sur le site amelli.fr
Agir dans l’environnement professionnel et collectif :
La prise en charge ne s’arrête pas au domaine médical. L’environnement personnel, familial mais aussi professionnel doit être inclus dans la démarche.
Prévention en entreprise :
Des programmes de bien-être, des cantines avec menus équilibrés, et des pauses actives sont ou peuvent être intégrés dans les entreprises.
Rôle des collectivités locales :
Les collectivités locales ont également un rôle important à jouer dans la lutte contre l’obésité, en proposant notamment :
- Des actions dans les cantines scolaires,
- Une sensibilisation par les municipalités.
Prévention chez l’enfant : priorité de santé publique
Depuis quelques temps, non seulement le nombre de cas d’obésité chez l’enfant augmente, mais les formes d’obésité qui les touchent, sont plus sévères et plus précoces.
Il est primordial d’agir pour inverser cette tendance dramatique.
Tout comme chez l’adulte, le surpoids et l’obésité de l’enfant se définissent à partir de l’IMC. En revanche, comme il est en pleine croissance, ces chiffres ne suffisent pas. L’analyse des courbes de corpulences, qui définissent les seuils de surpoids et d’obésité, et qui varient en fonction de l’âge et du sexe de l’enfant, doit être intégrée à l’évaluation. On les trouve dans tous les carnets de santé.
D’après les seuils de l’International Obesity Task Force (IOTF), on parle de surpoids pour un IMC supérieur au seuil IOTF-25, et d’obésité pour un IMC supérieur au seuil IOTF-30.
Les courbes de corpulence françaises, elles, sont établies en percentiles.
Le surpoids est défini par un IMC au-delà de la courbe du 97ème percentile. Elles sont moins spécifiques pour l’obésité, et on se basera sur le seuil IOTF-30 pour parler d’obésité.
Les recommandations actuelles préconisent la surveillance de l’IMC 3 fois par an avant 2 ans, puis au minimum 2 fois par an.
En vous référant régulièrement à ces outils d’aide au diagnostic, vous êtes le premier à repérer les signes de surpoids, et à pouvoir rechercher une éventuelle complication médicale, psychologique, sociale, ou des troubles du comportement alimentaire.
Et, pour les cas les plus complexes, n’hésitez pas à faire le lien avec la médecine scolaire.
À noter qu’une perte de poids durable de plus de 10 % du poids total améliore déjà un grand nombre des complications associées à l’obésité et la qualité de vie.
Évaluer et ajuster les actions de prévention :
Les besoins nutritionnels varient en fonction de l’âge, du poids, de la taille, du sexe et du niveau d’activité physique de votre patient.
La prise en charge et le plan de soins doivent donc être régulièrement évalués et ajustés pour répondre à ses besoins. Et, pour obtenir les résultats escomptés, il faut continuellement l’encourager pour qu’il reste motivé.
Pour conclure...
Nous l’avons vu, l’obésité est une maladie complexe qui nécessite une approche globale, anticipative, multidisciplinaire et personnalisée.
Et, c’est à vous, en tant que médecin généraliste, que revient la charge de dépister les signes de cette maladie, d’intégrer les stratégies préventives adaptées à votre patient, de l’encourager et l’accompagner tout au long du processus de soins, d’assurer son suivi et la coordination avec l’équipe spécialisée.
Parce que sans actions pertinentes, cohérentes et concertées, il sera difficile de lutter contre ce problème de santé publique.
Alors, que pensez-vous de votre rôle dans la prévention de l’obésité ?
Quels outils utilisez-vous pour éduquer vos patients ?
Quels conseils donneriez-vous à vos collègues, moins à l’aise avec ce type de prises en charge ?
Enfin, si vous avez trouvé cet article utile, n’hésitez pas à le partager.
Pour en savoir plus, n’hésitez pas à consulter notre catalogue de formations DPC.
Sources :
OMS
INSERM
Ameli