L’essentiel en un coup d’œil :
- Rôle central des généralistes : Avec la pénurie de dermatologues, les médecins généralistes prennent en charge plus de 6 % des consultations liées à des pathologies cutanées.
- Diagnostic différentiel : Essentiel pour distinguer des maladies similaires, il repose sur l’anamnèse, l’examen clinique et des outils comme l’arbre décisionnel.
- Principales pathologies : Psoriasis, eczéma atopique, urticaire, cancers de la peau et pathologies infectieuses ou inflammatoires sont les plus courantes.
- Formation continue : Des actions de DPC permettent d’approfondir les compétences en dermatologie et de mieux accompagner les patients.
- Urgence et orientation : Savoir détecter précocement les cas graves (ex. mélanomes) et orienter vers un spécialiste en cas de doute ou de complexité.
Le saviez-vous ?
Parce que les délais pour obtenir un rendez-vous avec un dermatologue s’allongent, les médecins généralistes sont de plus en plus sollicités pour prendre en charge les problèmes dermatologiques.
Aujourd’hui, un peu plus de 6% de leurs consultations concernent une maladie de peau, des muqueuses, du cuir chevelu ou des ongles, pour laquelle ils posent un diagnostic dans un peu plus de 3 cas sur 4.
Toutefois, un tiers d’entre eux disent éprouver des difficultés dans la prise en charge des affections cutanées, la pose du bon diagnostic n’étant pas si évidente qu’il n’y parait, les tableaux cliniques pouvant parfois se ressembler.
Le diagnostic différentiel est alors essentiel pour relever le détail qui fait la différence, et qui exclut ou confirme une des hypothèses soulevées à partir de l’anamnèse et de l’examen clinique.
Alors, comment différencier des maladies dermatologiques présentant des symptômes similaires, et établir le bon diagnostic ?
C’est ce que nous verrons dans cet article.
Classification des pathologies dermatologiques :
Les principales pathologies dermatologiques rencontrées sont :
- Le psoriasis
- La maladie de Verneuil
- L’eczéma atopique
- L’urticaire
- Les cancers de la peau (mélanomes et carcinomes)
- Les maladies des ongles (ongle incarné, cancer de l’ongle…)
- L’hyperhidrose (hypersudation).
Une des classifications usuelles pour mieux appréhender les maladies de peau, consiste en les répertorier en fonction de leur cause : infectieuses, inflammatoires, allergiques, médicamenteuses…
Principales pathologies infectieuses :
Bactériennes : | Fongiques et parasitaires :
| Virales : |
Impétigo et ecthyma
| Dermatophytoses (teigne, pied d’athlète…)
| Verrues |
Érysipèle, cellulite
| Candidose : buccale, génitale, intertrigo…
| Zona, varicelle |
Abcès cutanés, furoncles, folliculite… Infections des plaies (escarre…).
| Mycoses | Roséole |
Lymphangite
| Pityriasis Versicolor | Sarcome de Kaposi |
Érythrasma
| Gale | Lésions herpétiques |
Principales pathologies inflammatoires et allergiques :
Elles concernent essentiellement l’eczéma atopique, le psoriasis, la dermatite de contact, l’urticaire ou l’angiœdème (Œdème de Quincke).
Principales pathologies chroniques :
On y retrouve surtout l’acné ou la rosacée.
Principales pathologies à risque :
Du fait des risques qu’ils peuvent induire, les cancers de la peau, comme le mélanome ou le carcinome basocellulaire, doivent être décelés précocement pour être pris en charge rapidement.
Effets secondaires cutanés des médicaments :
Certains médicaments peuvent provoquer des éruptions cutanées d’origine :
- Allergique : urticaire.
- Non allergique : photosensibilisation liée à la prise de certains antipsychotiques, hématomes induits par la prise d’anticoagulants (fuite de sang sous-cutanée) …
Ces réactions peuvent être graves, et nécessiter une prise en charge rapide.
Les plus courantes sont :
- Le syndrome de Stevens-Johnson : à ne pas confondre avec l’érythème polymorphe.
- Le syndrome de Lyell.
- L’érythème noueux.
Le traitement de premier recours consiste en l’arrêt du médicament en cause, et en la gestion des complications qu’il a causées.
Focus sur la maladie de Verneuil (ou hidrosadénite suppurée) :
Il s’agit d’une maladie d’origine inflammatoire, qui survient en moyenne vers l’âge de 22 ans, chez ceux qui y sont prédisposés génétiquement.
Ses symptômes sont essentiellement dermatologiques.
On y observe des lésions cutanées (essentiellement des nodules et des abcès), qui récidivent, et qui tunnelisent lorsqu’elles se chronicisent.
Elle touche le follicule pilo-sébacé des plis : aisselles, plis inguinaux, pli interfessier…
La maladie évolue par poussée, et différents facteurs peuvent l’aggraver, comme une alimentation déséquilibrée, le tabagisme ou encore le surpoids.
Elle peut toucher jusqu’à 1% de la population, et impacter la qualité de vie des patients du fait des douleurs, des écoulements et de l’odeur qu’elle peut induire.
Le rôle clé du médecin généraliste dans la prise en charge dermatologique :
Première ligne de diagnostic :
En tant que médecin généraliste, vous intervenez en première ligne.
La mise en place d’un traitement adapté et l’orientation éventuelle de votre patient, reposent sur votre diagnostic initial, qui doit être le plus précis possible.
Détection précoce :
Vous devez rapidement identifier les signes de gravité des pathologies relevant de l’urgence ou qui nécessitent un suivi spécialisé.
Prise en charge globale :
En plus de gérer les symptômes cutanés ou la maladie dermatologique, vous devez aussi repérer les causes sous-jacentes et proposer un accompagnement psychologique adapté aux patients qui le nécessitent.
À noter qu’en cas de doute, vous pouvez solliciter un confrère spécialisé ou un dermatologue.
Vous pouvez également participer à une action de DPC spécifique pour compléter votre formation initiale ou réactualiser vos connaissances en dermatologie.
Diagnostic dermatologique : méthodes et outils.
Observation :
La base de votre diagnostic repose sur l’analyse des caractéristiques visibles des lésions cutanées : taille, couleur, bordures, localisation, nombre.
Anamnèse :
Ensuite, vous recherchez les symptômes locaux et généraux associés, les antécédents familiaux, les traitements actuels et ceux pris récemment, le mode de survenue, le mode d’évolution, les facteurs déclenchants, favorisants ou d’aggravation …
Diagnostic différentiel :
En cas d’hésitation entre plusieurs diagnostics, vous recourez à l’arbre décisionnel. Cet outil d’aide à la décision vous permet d’émettre vos hypothèses, et d’exclure celles que votre interrogatoire et votre observation permettent d’éliminer au fil de la consultation.
Exemple de diagnostic différentiel Vitiligo vs Pityriasis :
Caractéristiques : | Vitiligo : | Pityriasis : |
Fréquence : | 1% de la population. | Très fréquent. |
Couleur : | Taches planes blanc-ivoire au contour hyperpigmenté. | Taches chamois ou achromiques. |
Aspect : | Taches non squameuses, symétriques. | Taches finement squameuses. |
Étiologie : | Pathologie auto-immune. | Infection par un dermatophyte (Malassezia furfur). |
Lumière de Wood : | Wood – | Wood + |
Facteurs favorisants : | Facteurs héréditaires dans 1/3 des cas. | Déficit immunitaire Peau humide. |
Traitement : | Aucun. | Local : imidazolés. |
Aspect post-exposition solaire : | Absence de bronzage des zones dépigmentées. | Les zones traitées recolorent à la prochaine exposition au soleil. |
D’autres pathologies sont proches et peuvent être confondues. C’est le cas de :
- – la dermatite périorale et la rosacée
- – le psoriasis et l’eczéma
- – la verrue et le molluscum contagiosum …
Tests Complémentaires :
Parfois, certains tests complémentaires sont nécessaires pour confirmer un diagnostic clinique avec certitude.
Ainsi, une biopsie cutanée pourra être réalisée pour confirmer ou écarter une suspicion de malignité de la lésion cutanée.
Des prélèvements microbiologistes ou le recours au dermatoscope peuvent aussi compléter votre examen clinique.
Cas cliniques illustratifs :
L’érysipèle est une infection cutanée aiguë à streptocoque atteignant le derme et l’hypoderme (dermohypodermite bactérienne).
En règle générale, il apparait chez l’adulte de plus de 40 ans, et siège surtout au niveau des membres inférieurs (aspect de « grosse jambe rouge aiguë fébrile »).
Son début est brutal et associé à une forte fièvre (39° à 40°C) et des frissons.
Puis, apparait la plaque érythémateuse, bien circonscrite, œdémateuse, et douloureuse à la palpation.
La porte d’entrée de l’infection est retrouvée dans 50 à 70% des cas : intertrigo interdigito-plantaire, plaie traumatique, ulcère de jambe…
À noter que parfois, l’œdème dermique, souvent impressionnant, peut provoquer des décollements bulleux superficiels au niveau du placard inflammatoire.
Traitement des pathologies dermatologiques : approche pratique
Soins Locaux :
Les soins locaux reposent essentiellement sur l’application de crèmes topiques comme les corticoïdes, les antifongiques ou les antiseptiques.
Traitements Systémiques :
En fonction du diagnostic et du type de lésion, les traitements antibiotiques, antiviraux voire antihistaminiques pourront être prescrits, si besoin.
Conseils d’hygiène et prévention :
L’éducation des patients est également un point crucial pour limiter les crises, les poussées, les récidives et les complications.
Ils sont adaptés à la pathologie : hydratation, protection solaire, éviction ou limitation de l’exposition aux irritants…
Économie des traitements :
Le fait de diagnostiquer rapidement, de limiter les récidives et les crises, et de prévenir les complications permet aussi de réduire les coûts liés aux prescriptions médicamenteuses, aux examens paracliniques, aux consultations ou hospitalisations, pris en charge par les organismes d’Assurance Maladie.
Prise en charge spécifique : acné, eczéma, infections cutanées
Acné Vulgaire :
Grade 0 | Grade 1 | Grade 2 | Grade 3 | Grade 4 | Grade 5 |
Absence de lésion | Peu de lésions | Acné légère | Acné modérée | Acné sévère | Acné très sévère |
Pigmentation résiduelle. Érythème possible. | Rares comédons ouverts ou fermés, dispersés. Rares papules. | Moins de la moitié du visage est atteinte. Présence de quelques comédons ouverts ou fermés. Quelques papulo-pustules. | Plus de la moitié de la surface du visage est atteinte. Nombreuses papulo-pustules. Nombreux comédons ouverts ou fermés. Présence possible d’un nodule. | Tout le visage est atteint, couvert de nombreuses papulo-pustules. Comédons ouverts ou fermés. Rares nodules. | Acné très inflammatoire recouvrant le visage. Présence de nodules. |
Les traitements seront adaptés à la sévérité de l’acné : rétinoïdes topiques, antibiotiques, isotrétinoïne pour les cas graves.
Ils seront complétés par l’éducation des parents et/ou des enfants et adolescents sur les bons gestes à adopter au quotidien : hygiène de base (mains, serviettes et gants de toilette, taies d’oreiller…), lavage du visage avec des produits doux et non comédogènes, rééquilibrage alimentaire avec une baisse de la consommation de junk-food …
Eczéma atopique :
L’eczéma atopique (ou dermatite atopique) est une maladie inflammatoire chronique de la peau, qui évolue par poussée.
La prédisposition génétique y a une forte incidence : 50 à 70% des enfants touchés par l’atopie ont un parent de 1er degré, qui en a souffert ou qui en souffre.
L’allergie survient à la suite d’une exposition à des allergènes environnementaux.
Ses 3 principaux symptômes sont :
- Le prurit qui, s’il n’est pas contrôlé, peut provoquer des lésions de grattage qui peuvent se surinfecter.
- Les lésions eczémateuses (rougeurs, rugosité et aspect œdématié de la peau, fines vésicules peu visibles qui finissent par se rompre, laissant place à des suintements puis, à des croûtes).
- La sécheresse cutanée : en dehors des zones touchées par l’eczéma.
L’eczéma n’est pas contagieux.
Ses facteurs déclenchants sont nombreux et propres à chacun. Parmi les plus courants, on relève toutefois :
- les acariens,
- les poils d’animaux,
- les pollens,
- l’excès d’hygiène,
- l’habitat mal ventilé,
- une modification des habitudes alimentaires,
- l’exposition tabagique ou aux pollutions urbaines industrielles,
- une infection bactérienne ou virale,
- les changements météorologiques,
- les douches chaudes,
- la laine,
- les parfums,
- certains produits d’hygiène pour la peau,
- la sueur,
- le stress …
L’approche thérapeutique consistera en l’application de corticoïdes topiques ou d’émollients, et au recours à la photothérapie, dans les cas sévères.
L’éducation et la prévention reposeront sur les bonnes pratiques à adopter au quotidien : surveillance de l’hydratation, éviction des allergènes …
Infections cutanées :
La première étape consiste à identifier l’infection cutanée.
Par exemple, face à un impétigo, vous évaluez sa nature : êtes-vous en présence d’un impétigo crouteux ou d’un impétigo bulleux ? Est-il localisé ou étendu ? …
Le traitement ne sera mis en place qu’après avoir posé le diagnostic avec précision.
Des examens complémentaires peuvent parfois être nécessaires pour vous aiguiller dans votre recherche diagnostique.
Par exemple, toujours dans le cas de l’impétigo, un prélèvement bactériologique des lésions actives (pus, liquide de bulles…) pourra être réalisé pour déterminer la bactérie en cause, dans les formes graves ou en cas de résistance aux traitements de première ligne, tandis qu’il sera inutile dans les formes peu étendues ou lorsqu’il s’agit de la première poussée.
L’instauration rapide de traitements topiques et/ou systémiques est cruciale pour limiter les complications.
À noter que si une autre maladie de peau sous-jacente, comme des poux, une gale, un eczéma atopique ou un psoriasis, a favorisé la survenue de l’impétigo, elle doit être traitée simultanément pour éviter les récidives.
Quand orienter vers un spécialiste ?
Critères d’Orientation :
Les principaux critères d’orientation de votre patient vers un de vos confrères spécialisés ou vers un dermatologue sont :
- Les cas complexes ou résistants aux traitements (psoriasis sévère, acné récalcitrante…).
- La suspicion de cancer cutané (mélanome, carcinome).
- Les complications infectieuses graves et qui nécessitent une prise en charge hospitalière.
Recommandations de bonnes pratiques :
Enfin, pour référer de manière adéquate, les guidelines doivent être respectées.
En effet, ces directives et consignes permettent de déterminer le moment opportun pour déclencher ou programmer un suivi spécialisé.
Pour conclure...
Vous l’aurez compris, face à la pénurie de dermatologues, vous avez un rôle majeur à jouer dans la détection et la prise en charge des affections cutanées.
En effet, aujourd’hui, vos patients n’ont d’autres choix que de vous consulter pour gérer leurs symptômes, parfois lourdement handicapants, et améliorer leur qualité de vie.
Alors, si comme bon de nombre de vos confrères, vous voulez sauter le pas et vous spécialiser pour soulager vos patients et leur offrir des soins de qualité, des actions de DPC dédiées à la dermatologie sont disponibles : elles vous permettent d’approfondir vos compétences et d’optimiser vos pratiques professionnelles et vos prises en charge.
Que pensez-vous de votre implication dans le diagnostic, l’orientation et la prise en charge des affections cutanées ?
Est-ce une spécialité qui pourrait vous intéresser ?
Au contraire, qu’est-ce qui pourrait freiner votre investissement dans cette voie ?
Pour terminer, n’hésitez pas à partager cet article si vous l’avez trouvé utile, et à faire découvrir nos formations dédiées à la dermatologie à vos confrères.
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